On avait adoré l’année dernière le récit déjanté d’aspirants migrants dans les Mille et une façons de quitter la Moldavie : c’est peu dire que ce Camp de gitans qui en est la suite était attendu de pied ferme. Certes on retrouve la même veine absurde, le même comique grinçant, le même sens du grotesque : Lortchenkov ne se lasse pas, ni nous de le lire ! de dépeindre les travers de ses compatriotes – un cocktail explosif de bêtise crasse et de folie des grandeurs. Dans un pays désormais à feu et à sang, où des bandes d’enfants sauvages pillent, violent et assassinent tout ce qui bouge, et où la soupe de chien fait figure de mets gastronomique ô combien raffiné, Séraphim Botezatu est devenu prophète d’une nouvelle religion, les Exodistes, qui prône la migration totale des Moldaves – devenus les nouveaux Hébreux – et l’attribution d’un nouveau territoire à cette population anéantie par l’histoire, mais de préférence près de la Méditerranée, pour la douceur du climat…
Prise d’otage à l’ONU, exécutions sommaires dans des camps dignes des goulags, retranscriptions incomplètes des préceptes sacrés du nouveau Messie… tout y est et plus encore, mais la sauce ne prend pas. Étirant sans vergogne des ficelles à l’efficacité avérée, multipliant les formes narratives et éclatant d’autant la structure de son roman, Lortchenkov s’englue, et nous avec, dans une débauche de personnages et de récits un peu vaine. Dommage.
Valérie Nigdélian-Fabre
Domaine étranger Camp de gitans
octobre 2015 | Le Matricule des Anges n°167
| par
Valérie Nigdélian
Un livre
Camp de gitans
Par
Valérie Nigdélian
Le Matricule des Anges n°167
, octobre 2015.