Troisième volet du cycle autobiographique publié sous le pseudonyme de Jean Douassot et inauguré en 1958 avec le formidable La Gana, La Perruque campe les personnages du premier roman dans le décor qui était alors le leur : une cave sordide, dans laquelle tentent de cohabiter le père, la mère, la grand-mère maternelle (aveugle depuis lurette, mais qui fait des beignets comme personne, ce qui la rend attachante), et Jean, un protagoniste âgé d’une quinzaine d’années. Et on y retrouve Paulette, toujours aussi assoiffée de sexe.
Naturellement, Fred Deux (né en 1924) n’a pas oublié de faire vieillir chacun. D’ailleurs, pour Jean, finie la belle vie : le temps est venu de découvrir le monde du travail, autrement dit celui de l’usine. Il lui suffira d’une petite journée, passée à creuser des trous dans un mur en ciment (avec marteau et burin) pour se faire une idée précise de la situation : « Quelle pourriture que le boulot ! »
La France a alors l’heureuse idée (pour lui) de basculer dans la guerre (la deuxième), d’ouvrir ses frontières aux Allemands (les « coupeurs de paluches ») et de jeter la famille sur les routes qui descendent vers le sud (le père en profite pour se faire la belle tout seul). Mais exactement comme l’usine la guerre lui apporte son lot de désillusions : « J’espérais secrètement des carnages, des incendies, des bouleversements et voilà qu’en pleine guerre on bouffe des beignets, on attrape la chaude-pisse, on en a marre de vivre. » Elle lui offrira quand même son premier amour, mais celui-ci finira mal, car l’armistice à peine signé il découvrira que sa bien-aimée vit du commerce de son corps. Une découverte qui lui arrachera ce terrible aveu : « Je venais de rater mon entrée dans le monde ».
Didier Garcia
La Perruque
Fred Deux
Le Temps qu’il fait, 416 pages, 18 €
Domaine français L’âge de raison
juin 2015 | Le Matricule des Anges n°164
| par
Didier Garcia
Un livre
L’âge de raison
Par
Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°164
, juin 2015.