Louis Calaferte, les élans d'un insoumis
- Présentation Un îlot de liberté
- Entretien « Un éveilleur »
- Autre papier L’ami de Tarabuste
- Autre papier Commémoration
- Entretien « Une quête intérieure »
- Bibliographie Bibliographie
- Autre papier Chassez la racaille !
- Autre papier « Les mots, ça fait tout trembler… »
- Autre papier « Pas pourris. C’est l’essentiel »
- Autre papier Être soi et l’autre
- Autre papier Du pire que vrai
Je ne suis pas ce qu’on appelle un inconditionnel de Calaferte – il en existe, j’en connais. De ceux (ou celles) qui, embrayant sur un superlatif, « Calaferte ! Ah oui ! », ne supportent pas la moindre réserve. En fait, je ne connais qu’une partie de son œuvre, assez peu son théâtre, et guère davantage ses Carnets que je me promets de lire le moment venu. Les carnets pour un écrivain c’est d’abord le lieu où, retiré, il peut s’abandonner à son petit cirque, laisser éclater ses humeurs, ses agaceries. Ses coups de cœur aussi. Ce dont Calaferte n’est pas avare, en marge de ses œuvres de création. Restent les livres de prose, romans et récits pour dire vite, et la poésie, longtemps demeurée inédite pour partie – mais Calaferte est avant tout poète dans la prose. On parle d’œuvre toutefois, le mot convient. Me convient. À la fin, les livres d’un écrivain – quand c’en est un ! – s’agglomèrent en un tout dont s’élève bientôt, non plus des voix perceptibles, gravées, détourées, mais un chant (polyphonique), une sorte de rumeur autrement plus complexe, qui enivre plus qu’elle ne ravit et compose une mosaïque dont il serait incongru de retirer un fragment. Me voici dispensé de choisir un livre plutôt qu’un autre. Les challenges ne m’intéressent pas. D’autant que Calaferte pousse la diversité assez loin, abordant tous les genres, tant par la forme que par le propos ou l’écriture, tous les registres, mêlant les voix, les tons, les registres de langue. Y compris le roman, envers lequel il éprouve plus que de la méfiance. On s’en persuade, non sans une certaine surprise d’abord (on ne peut s’empêcher de penser à ses premiers livres dont Septentrion évidemment), en lisant sa Correspondance avec Georges Piroué, son éditeur chez Denoël. Je m’empresse au passage d’en conseiller la lecture, moins pour ce qu’elle dit de Calaferte : ses élans, son travail, ses déceptions, que pour ce qu’elle nous apprend de ce qu’est (ou devrait être) un éditeur. Piroué en l’occurrence, pour son indéfectible soutien. À qui, du reste, il serait bienvenu de s’intéresser, non plus cette fois à l’éditeur mais à l’écrivain délicat, trop peu remarqué… Quant aux livres de prose de Calaferte, je ne sais trop de quel(s) genre(s) ils relèvent. Nombre d’ouvrages ne mentionnent rien sur la page de garde. Du Calaferte, voilà tout. Reconnaissable au coup de patte, comme au coup de gueule. Incarnation du verbe, tension de la phrase… Cette façon d’être soi et l’autre en même temps. D’habiter l’écriture. Tantôt la phrase s’amplifie, tantôt s’assèche, incisive, presque informative, et souvent au fil d’un même texte. D’où les ruptures de tons, de rythmes dans le récit et jusque dans le montage, changements de braquets soudains autant qu’imprévisibles. Qui font de Calaferte un écrivain de l’écart, à l’écart, nullement tenu d’hurler avec la meute. Tous propos qui valent d’être médités encore aujourd’hui.
Pascal Commère
> Dernier livre publié :
Des laines qui...