Viceversa littérature, n° 7 / 2013. Revue suisse d’échanges littéraires
Revue annuelle d’information des littératures suisses, Viceversa a pris le relais en 2007 de Feuxcroisés, qui faisait un travail analogue d’anthologie critique, selon des choix précis de dossiers et de thèmes. Viceversa poursuit cette même recherche panoramique mais elle accompagne ses présentations en suivant l’exploration des trois langues (italien, français et allemand), telles qu’elles sont parlées (et écrites) dans les différents cantons.
La première partie de ce nouveau numéro propose sept dossiers d’écrivains (inédits, hommages, suivis d’un entretien) : retenons ici la discrète poète suisse (née à Lausanne en 1922) Anne Perrier qui, en sœur d’Emily Dickinson, et suivant le philosophe Jacques Maritain, renvoie à l’importance d’un partage à penser entre les « moyens temporels riches » et ceux dits « pauvres ». Aux derniers revient la capacité de ne pas se fixer sur des buts exclusivement matérialistes, mais au contraire de les éviter, de suivre les degrés de la connaissance intérieure pour passer les obstacles les plus visibles. Cette démarche, sans concession, Anne Perrier la déploie dans une poésie économe, sans métaphore, sensible à la présence simple du monde tel que Philippe Jaccottet put lui aussi la dire. L’exemplaire condensation/concision narrative (fortement walsérienne) de Händl Klaus (né en 69 dans le Tyrol) se donne à entendre clairement par l’ironie de son style et ses abruptes chutes (« Ce rire rude (celui de la petite Grit) était tranchant… il taillait des cercles sur le lac comme des lames de patins. Grit, elle, jouissait visiblement… de la vie ») ; Etienne Barilier (le plus connu de cet ensemble) donne, lui, un long entretien sur les liens entre fiction et travail philosophique, l’auteur tessinois Paolo di Stephano une étrange et mélancolique variation sur un homme que le sommeil ne cesse d’emporter… La section « D’un ailleurs » présente (hélas sans texte de l’auteur) une note sur Le Fond du sac (Babel) de Plinio Martini et quelques remarquables dessins d’Isabelle Pralong et d’Andreas Gefe en regard. Enfin, une carte blanche est accordée à trois traducteurs, ici une lettre de Ramuz à Bernard Grasset est traduite en italien, les poèmes de Fernando Grignola du dialecte d’Agno et de l’italien le sont vers le français, et le Hongrois Gyula Krúdy se retrouve en allemand. Le vice-versa se vérifiant ici quasi littéralement.
Emmanuel Laugier
Viceversa N°7
Éditions d’en bas, 340 pages, 22 €