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Domaine étranger Tendre est la nuit

juillet 2013 | Le Matricule des Anges n°145 | par Julie Coutu

Avec La Promo 49, Don Carpenter peint une jeunesse américaine portée par l’insouciance et les cruelles désillusions.

Publiant l’an dernier Sale temps pour les braves (1966 pour le texte original), pièce maîtresse de l’œuvre de l’américain Don Carpenter, les éditions Cambourakis proposaient au lecteur francophone une belle découverte d’un romancier curieusement oublié. Don Carpenter, auteur côte ouest, San Francisco, années 70, proche de Richard Brautigan, une dizaine de romans, des nouvelles, plusieurs scénarios, n’a pourtant rien d’un inconnu. Mais il se suicide en 1995, dix ans après Brautigan, et sombre plus ou moins dans l’oubli, sauf peut-être pour quelques initiés. En rééditant en 2010 Sale temps pour les braves, préfacé par George Pelecanos, la New York Review of Books contribue à lui offrir une seconde vie. Cambourakis poursuit aujourd’hui son travail d’exhumation, avec ce court roman, très différent du précédent : La Promo 49 (1985).
On peut parler de « roman-nouvelle ». Carpenter a 55 ans quand il écrit ce texte. Lui-même est sorti du lycée en 1949. La Promo 49, c’est la sienne. Il porte sur elle le regard lucide, posé, de celui qui sait. À quel point les rêves pouvaient être trop grands, les désillusions sévères, la réalité triviale. En vingt-quatre vignettes, comme autant d’instantanés pris sur le vif, il croque une parenthèse, un entre-deux. Ses personnages se croisent, disparaissent, ré-interviennent, s’effacent, la narration croisée fait le portrait de groupe. Plus des ados, pas encore des adultes, Clyde, Jud, Tommy, Nancy, Janet, Sissy, Dick, Lew et tous les autres vivent un moment de bascule sans tout à fait réaliser ce qui est en jeu. Pour savoir, il faudra le temps, le recul. Comprendre la fin de l’innocence, le poids des décisions, qui désormais engagent. À Portland, Oregon, c’est une génération qui devient sans vraiment s’en rendre compte actrice de son avenir. Plus question de déléguer, de se laisser porter, alors même qu’il semble que rien ne change : virées en bord de mer, soirées poker, bagarres, beuveries et fêtes, premières amours, jalousies, bal de promo… Le teen novel a cela de magique qu’il est parfaitement intemporel. Les codes sont en place, les rites immuables. La nostalgie de Don Carpenter, c’est celle de tous ceux qui ont fini le lycée un jour. La Promo 49 incarne toutes les promos. La sensation qui domine, c’est l’intemporalité, ces histoires individuelles, écho à toutes les autres. Au-delà, il y a la solitude. La fin du lycée comme une petite mort.
Carpenter clôt son texte d’ailleurs par un double enterrement. « L’année s’acheva par un drame. Après un remarquable automne tout en cieux pâles et temps doux, les pluies et la neige hivernale arrivèrent avec une force quasi punitive. Une pluie froide tomba pendant des semaines, puis le froid s’intensifia, la pluie cessa et tout gela, après quoi les températures remontèrent et il neigea (…). La chaussée était sombre et glissante, avec des plaques de glace transparente, et tard une nuit… ». La rupture est consommée. À ceux qui restent, la mémoire. Aux autres ? Une ombre, à peine. Cette Alice Quelquechose, que la rumeur dit morte, à la veille de la remise des diplômes. Et que personne ne pense à rechercher, dans le livre de fin d’année. Don Carpenter abandonne sa promo 49 avec une cruauté délicate, une désespérance lucide. Il fige les visages dans une fraction d’éternité, celle de la jeunesse, immortelle. Il s’amuse aussi, de ces engouements, ces abandons. En décomposant le groupe, il replace chacun face à lui-même, sans jamais un mot superflu. Chaque portrait se veut aller à l’essentiel : la sanction se fera d’elle-même. Cette jeunesse américaine, dont Carpenter s’éloigne, c’est la nôtre, sa nostalgie brute, sans apprêts. C’est ce qui fait la force de ce petit roman. Il est à tout le monde, il arrête le temps. Une fraction de seconde. Juste assez, pour ne pas oublier. C’est la magie de l’album de promo : effacer le temps.

Julie Coutu

La Promo 49
Don Carpenter
Traduit de l’américain par Cécile Leroy
Cambourakis, 135 pages, 17,50

Tendre est la nuit Par Julie Coutu
Le Matricule des Anges n°145 , juillet 2013.
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