Les destinations idylliques ne font plus rêver. Aller s’éclater dans un pays dévasté semble bien plus excitant. Ce n’est malheureusement pas une fiction. Le Destin du touriste, premier roman traduit en français de Rui Zink, né à Lisbonne en 1961, est un texte d’une absolue férocité sur le thème de la fascination touristique qu’exercent les lieux de cauchemar de notre planète. Le tableau que dresse Rui Zink est à la fois grotesque et tragique. On peine à sourire au récit de ce voyage en compagnie de Greg le touriste et Amadou le chauffeur de taxi autochtone. La prédilection de Greg pour les terrains minés, les plages de préférence, des « plages en fleurs », sa vague envie de mourir sont pathétiques, dans ce pays qui n’est « plus un pays mais une zone, une zone de mort ». L’odeur permanente de cadavre ne gêne guère les touristes qui apprécient le spectacle des pendaisons publiques. Un peu frustrés quand même… La réalité a toujours un côté, lent et ennuyeux. « Rien ne vaut le temps filmique (…), toujours rapide et dynamique, ah, l’art du montage ». Enfin ils enverront des SMS à leurs amis et exprimeront leur indignation face à cet « attentat à nos consciences ».
Il règne dans ce livre une étrange ambiguïté, un malaise dont on se protège, faute de mieux en y percevant de l’ironie. Rui Zink réussit à créer un sentiment de désorientation permanente. Comme si nous étions happés dans un monde qui s’était mis à avancer à l’envers « à la vitesse (vertigineuse) d’une bande qu’on rembobine », vers un lieu où des reptiles préhistoriques attendent patiemment. Zink doute qu’ils aient la capacité d’en sourire. Mais eux le feraient « avec tendresse ».
Yves Le Gall
Le Destin du touriste
Rui Zink
Traduit du portugais par Daniel Matias,
Métaillé, 192 pages, 18 €
Domaine étranger Peur estivale
avril 2011 | Le Matricule des Anges n°122
| par
Yves Le Gall
Un livre
Peur estivale
Par
Yves Le Gall
Le Matricule des Anges n°122
, avril 2011.