Traduits en dix-huit langues, les livres de Dennis Cooper ont fini par dessiner une figure un peu mythique de leur auteur. Jugé immoral et provocateur par les uns, encensé comme une icône par ses fans, exposé comme symbole radical par la presse branchouille, l’Américain est surtout un écrivain qui a forgé ses armes à l’école de la littérature, des arts et de la vie. Son œuvre illustre à sa manière l’injonction dadaïste qui a ouvert la modernité littéraire : « il nous faut des œuvres fortes, droites, précises et à jamais incomprises, des œuvres sorties d’une vraie nécessité de l’auteur et pour lui (…). L’art est une chose privée, l’artiste le fait pour lui. » (Tristan Tzara). Depuis la parution de Closer, la récurrence des obsessions, les images fantasmées de corps dénudés, pénétrés, profanés, mutilés, la fascination sans cesse relancée pour les snuffmovies, ces films où l’on tue devant la caméra pour de vrai, désignent assez clairement la nécessité pour son auteur de cette écriture donnée en partage. Projetées infiniment sur la page blanche, les scènes pédo-pornographiques, les sodomies meurtrières, les tortures, émasculations et autres joyeusetés dont les livres de Cooper débordent, ne jouent pas tant le rôle d’une thérapie affolée de l’auteur pour lui-même, que le défi de rendre palpable, saisissable, la part maudite à laquelle, finalement, tout un chacun pourrait avoir accès. Disons-le tout de suite : il n’est pas nécessaire de partager le même goût que ses personnages pour les « mignons petits culs » d’adolescents ou le sexe gay et sans protection, pour recevoir l’énergie incandescente de ses romans. D’une nécessité intime, et c’est le propre de la littérature quand elle n’est pas du divertissement, l’écrivain fait une expérience universelle. Ou presque : les homophobes ne partageront certainement rien des lignes de notre hôte.
« George est devenu comme une muse dans l’écriture. C’est vers 15 ans que j’ai pris la décision d’écrire sérieusement. »
L’écrivain nous reçoit dans son studio parisien d’une façon qui rappelle la manière avec laquelle les étudiants se retrouvaient et se retrouvent aujourd’hui encore dans leur minuscule piaule universitaire. On entre là comme on réaliserait un flagrant délit : la chambre n’a pas eu le temps de se préparer à nous recevoir, les indices d’une vie intime s’étalent sans vergogne du bureau au canapé : l’homme nous accueille très naturellement.
Dennis Cooper est né en 1953 à Pasadena, au nord-ouest de Los Angeles, ville qui sert de décor invisible à la plupart de ses livres.
Homme d’affaires, son père a d’abord été un politicien quand il était jeune et a fait toutes sortes de métiers. Il dirigeait la jeune chambre de commerce et avait pour fonction de conseiller certains présidents des U.S.A. Il était ami avec Nixon, Truman, Ford. « Il accompagnait leurs décisions principalement sur des questions liées à l’hydraulique dans le Texas au sein de la Cooper Development Corporation...
Dossier
Dennis Cooper
Le gardien du feu
juin 2010 | Le Matricule des Anges n°114
| par
Thierry Guichard
Toute l’œuvre de Dennis Cooper semble sourdre de l’adolescence électrisée de sexes et de pulsions violentes et d’une Amérique affranchie autant que déboussolée. De Los Angeles à Paris, itinéraire d’un éternel adolescent.
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