C’est, aux portes de la gare de l’Est, une sorte de résidence pour artistes étrangers. Bien qu’il y vive là depuis plus de trois ans, Dennis Cooper prétend ne pas parler un seul mot de français. L’écrivain vient nous chercher à la grille, devant l’interphone, et nous conduit jusqu’à l’ascenseur puis, le long d’un couloir, jusqu’à sa chambre d’étudiant : une seule pièce, coupée en deux par une cloison-étagère. S’il fallait décrire sa chambre en un mot : foutoir. Le bureau, sur lequel semble s’être échoué un ibook, est un enchevêtrement de papiers, photos, tasses et traces de… café ? Face à lui, un canapé dont on peine à imaginer ce qu’il eut à subir.
Devant l’entrée, une théorie de chaussures impeccables alignées comme à la parade offre une vision divergente du reste de la pièce, comme si habitaient ici deux hommes : celui du travail intérieur, de l’écriture, et celui des sorties dans la ville. Quand on a lu Dennis Cooper et qu’on pénètre dans son antre, forcément on imagine le lieu comme décor d’un snuffmovie. Sauf qu’il n’y aurait guère de place ici pour une caméra.
L’homme qui nous accueille est plutôt du genre charmant, prévenant, poli et prêt à prendre le temps qu’il faudra pour l’entretien. À un moment, juste après que notre magnétophone numérique fut tombé en panne, nous évoquons un écrivain et cinéaste voisin des lieux, Christophe Honoré, pour la proximité de deux de ses romans, La Douceur et Scarborough, avec certains de notre hôte. Dennis Cooper sourit : « je n’ai pas lu ses livres, mais je viens de participer comme acteur au tournage de son prochain film ». Une nouvelle corde qui vient de s’ajouter à son arc bien fourni : revuiste et éditeur dans le passé, critique d’art, blogueur, poète, romancier, nouvelliste, dramaturge, assistant à la mise en scène de ses propres pièces… D’ailleurs, il partait pour Brest le lendemain de notre rencontre afin d’y travailler avec Gisèle Vienne à la mise en scène de sa prochaine pièce qui sera montée au festival d’Avignon. Busy man.
Vous avez utilisé des souvenirs de votre enfance, notamment des tentatives de suicide de votre mère, dans Guide notamment, peut-être dans Try aussi. Jusqu’à quel point vous servez-vous de l’autobiographie dans vos fictions ?
C’est vrai qu’il y a beaucoup d’éléments autobiographiques qui se retrouvent dans mes fictions. C’est le cas dans Guide. Ce n’est pas tellement moi qu’on retrouve dans Try, même si je me suis servi de ce que j’ai vécu pour comprendre et construire les personnages, comme celui du père. Je me suis inspiré d’un ami, un garçon que j’ai connu et qui s’appelait Ziggy comme le jeune héros du roman.
« Je souhaite représenter pour le lecteur des choses qu’il n’a jamais vécues, en faisant en sorte qu’il ne soit pas choqué. Je veux que son imagination s’implique, qu’il s’approprie la scène. »
Le narrateur de Guide s’appelle Dennis Cooper. Pourquoi avoir choisi d’apparaître ainsi ?
Prendre mon nom était une...
Dossier
Dennis Cooper
Connaissance de l’enfer
Les romans de Dennis Cooper plongent au cœur de scènes de viols, massacres, tortures et ressassent les fantasmes pédo-pornographiques de jeunes et moins jeunes gays désaxés. Ces orgies hallucinatoires sont inoculées au lecteur par le biais d’une écriture qui colle comme une peau aux personnages. Histoire de faire passer le fantasme pour la réalité. Courte visite des " backrooms " de l’écriture.