Il existe un mythe Fondane. Celui d’un jeune poète brillant fauché par l’Histoire. Un être qui, pour faire écho aux vers de François Cheng, porta « la soif plus loin que l’oasis ». Enfin, un homme qui cristallisait par ses origines juives et roumaines le visage exsangue d’une humanité à la dérive. Une des filiations poétiques les plus probables est à considérer du côté de Rimbaud. Chez eux, la même trajectoire menant vers cet « éclatant désastre » formulé par Pierre Brunel. Une préoccupation mystique pourtant vouée aux ténèbres que les textes de jeunesse, publiés sous le titre Poèmes d’autrefois, ne viennent pas démentir. Si l’inspiration biblique prédomine dans ces écrits datant de 1916 et 1917, l’étonnement provient surtout de la maturité dont fait preuve Fondane - alors seulement âgé de 18 ans. Rimbaud dit n’être pas sérieux. Fondane, lui, revendique une hyper-conscience de la mort (certainement exacerbée par la disparition récente de son père) et une quête désespérée de l’épiphanie - moment ultime de la Révélation. Le poète guette un signe : « Dans le crépuscule frémirent les sycomores, / Lorsque tu apparus, ténue, tulle de l’aurore. » Les images virginales saisissent l’ampleur des préoccupations spirituelles pour l’auteur d’Ultima verba. Si les métaphores servent à crypter le discours, elles esquissent les contours d’un nouveau Golem : « ah ! l’argile vierge de mouvement », s’exclame le poète. Il s’agit d’évoquer ce temps pré-adamique où l’homme attend qu’on le façonne. Ce temps d’avant la faute et l’absence. Le recueil repose sur la nostalgie d’un paradis perdu. Ainsi en va-t-il du premier homme croquant la pomme, en cet « instant rare de miel et de mauvais sort ». La rhétorique amoureuse se doublera plus tard d’une poétique de l’anathème. Fondane intègre tout à la fois l’héritage pétrarquiste et la désillusion spirituelle de William Blake. Ses psaumes sont à prendre comme autant de variations autour du thème de la mort et de la crise de la foi - autant de fleurs
le poeme d’autrefois/
Le reniement de pierre
de benjamin fondane
Traduit du roumain par Odile Serre, Le Temps qu’il fait
131 pages, 17 €
Poésie Poèmes d’autrefois
mars 2010 | Le Matricule des Anges n°111
| par
Benoît Legemble
Un livre
Poèmes d’autrefois
Par
Benoît Legemble
Le Matricule des Anges n°111
, mars 2010.