C’est l’histoire d’une usurpation - d’un mensonge aux conséquences désastreuses. Le récit débute à Berlin pendant la Seconde Guerre mondiale. Si Maria survit aux bombardements, il n’y a pourtant en elle que la béance d’une existence arrachée trop tôt à la vie : celle de son fils. « On la retrouva dans un lit de plâtre, sous une couverture de longerons et de solives enchevêtrés. Quand elle revint à elle (…) il manquait l’arrière de l’immeuble. L’enfant avait disparu. » On l’a compris, le thème du deuil est omniprésent durant la première partie du récit. Sur la route qui la mène à Nuremberg, d’où la famille est originaire, son père récupère un enfant du même âge que Gregor. Il est seul, comme sa propre fille. C’est une chance unique pour eux deux de prendre un nouveau départ. Dans un élan monstrueux, il lui donne le nom du disparu. Ce qui devait être un miracle tourne ainsi au désastre. La mère et l’orphelin ne se reconnaissent pas : « Elle regarda l’enfant avec dégoût. Il était épouvanté, il avait froid, il pleurnichait et toussait. » Comme dans Aurélien d’Aragon, il s’agit d’aller a contrario des modèles classiques de narration, de dire la difficulté de la reconstruction et la fin de l’idéalisation. On retrouve Gregor des années plus tard, à la soixantaine. Il réalise qu’il doit enquêter afin de recouvrer la mémoire, dans cette « forêt de pistes franchissant de larges salles reliées entre elles, où il est si facile de se perdre ». « Notre identité ne repose-t-elle pas sur un choix autant que sur un rejet ? » se demande ainsi Gregor, perdu dans les dédales d’un passé confus dont on comprend qu’il constitue le moment fondateur de l’exigence de vérité consubstantielle à l’écriture d’Hamilton. Un regret cependant : l’auteur irlandais est enclin à une représentation du monde souvent manichéenne et sentimentaliste en mettant en scène des Allemands hors de tout reproche. Quitte à explorer le destin de ceux qui ont souffert - et ils sont nombreux - il eût été plus utile de le faire par-delà le bien et le mal, en s’appuyan
comme personne
dE HUGO HAMILTON
Traduit de l’anglais (Irlande) par Joseph Antoine
Phébus, 331 pages, 22 €
Domaine étranger Comme personne
février 2010 | Le Matricule des Anges n°110
| par
Benoît Legemble
Un livre
Comme personne
Par
Benoît Legemble
Le Matricule des Anges n°110
, février 2010.