Jean-Jacques Reboux est un homme occupé. Pas seulement par sa maison d’édition qu’il a créée en 2006, en sommeil depuis l’été dernier, mais par une « initiative citoyenne ». Il milite dans un collectif en faveur de la dépénalisation du délit d’outrage. L’histoire de son engagement a circulé sur le web. Tout démarre par un banal contrôle routier dont Reboux fait l’objet - lequel tourne au vinaigre. Des mots volent. L’arrestation est musclée. Et quand l’abus de pouvoir monte au nez de Reboux, il prend la plume. En novembre 2006, il publie une Lettre ouverte à Nicolas Sarkozy, ministre des libertés policières. Sa plainte (pour violences) étant classée sans suite, il récidive avec une Lettre au garde des Sceaux réclamant l’abrogation de la loi sur le délit d’outrage, qu’il cosigne avec un autre outrageur, Romain Dunand. C’est à l’heure actuelle le dernier titre paru d’Après la lune.
Reboux est du genre têtu, voire teigneux. « Quand j’ai un os, je ne le lâche pas ». Il dit aussi : « Je suis un grand indécis. Cela doit relever de l’angoisse existentielle. » Ou du royaume de l’enfance. De ses origines paysannes (naissance en Mayenne au milieu des Trente Glorieuses), il est resté l’homme qui murmure à l’oreille des poules. D’où une névrose sociale : « Souvent, je me sens un plouc à Paris », sourit-il. À l’instar de ses aînés, Izzo ou Pouy, Reboux a d’abord écrit de la poésie. Il apprécie celle de Guillevic. À Caen, pendant ses études de socio et de lettres, il crée une revue, La Foire à bras. Elle dure quatre ans et affiche à ses sommaires poétiques les noms d’Alain Jégou, Pierre Autin-Grenier, Jacques Josse, Loïc Herry… Les numéros thématiques disent ses sensibilités : la mer, à bas le travail, la prison (avec des textes de Abdellatif Laâbi et de Roger Knobelspiess). Son voisin François de Cornière, qui anime les Rencontres pour lire, lui suggère alors une livraison consacrée au polar. Treize poètes (dont lui-même) se mettent au noir comme Jean-Pierre Pierre Bobillot et Sylvie Nève revisitant L’Épingle d’or de Schowb. « C’est comme ça que ça a démarré. » Le pied à l’étrier. À la suite d’une annonce parue dans Télérama, il postule au prix du polar FR3 Normandie. Mais le lauréat qui publiera dans la collection « Le Miroir obscur » (NéO) est un autre. Il lui faudra attendre. Sept ans et 70 lettres de refus plus tard, Reboux fait paraître en 92 son premier texte Pain perdu chez les vilains chez Canaille, maison qu’il vient de créer. « Je ne voulais plus écrire des romans sans être lu ». L’enseigne accueille des rééditions de Pierre Siniac, Patrick Raynal, ou encore de Pouy et son Spinoza encule Hegel dont 6000 exemplaires s’écouleront en trois mois. Les affaires fleurissent. « À l’époque, j’étais postier, je triais les chèques. Les bibliothèques de la Poste m’achetaient 200 à 300 ex. de chaque parution. » En 1996, l’auteur du remarqué Massacre des innocents vend sa maison à Baleine pour le compte duquel il devient directeur de la collection...
Éditeur La lune et l’alarme
avril 2009 | Le Matricule des Anges n°102
| par
Philippe Savary
Figure attachante du polar français, Jean-Jacques Reboux édite, depuis trois ans, des romans et des pamphlets à l’enseigne Après la lune. Dont l’avenir terrestre est incertain.
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