Ce recueil de poèmes et proses paru en tchèque en 1995, deuxième titre en français de Zbynek Hejda, s’est vu couronné du plus prestigieux prix littéraire du pays. Récompense tardive pour un écrivain né en 1930, mais il ne pouvait en être autrement ; ce n’est pas le régime communiste qui aurait primé une œuvre résolument rétive au système totalitaire.
Le volume poursuit une veine poétique qu’ont tracée les écritures de Czeslaw Milosz, Thomas Venclova, Seamus Heaney ou Joseph Brodski. D’une simplicité dépouillée, due non pas à la mutilation de la syntaxe ou à l’éclatement de la pensée, mais bien au contraire à la recherche de ce que la langue fait quand elle est dans son plus simple appareil, cette poésie assume une teneur métaphysique et ne craint pas des interrogations les plus banales car les plus ardues : la mort, l’ennui, la solitude, le temps qui passe. Qu’elle prenne pour objet un événement, un objet ou un état, c’est la structure la plus élémentaire, le mot le plus transparent, qui viennent s’en emparer : « Nous sommes sortis nous promener du côté des cabanes/ dans les vignes à flanc de coteau,/ à moitié en ruines. », sans jamais verser dans la nombriliste « expression de soi », sans chercher à extérioriser un état d’âme. Pourtant, le poète parle bien de lui-même, et son expérience est loin d’être idyllique ; mais toujours une distance ironique, amusée ou simplement esthétique lui fait éviter le spectacle d’un moi déchiré. « Où me suis-je fourvoyé ?/ Dans ce qui ressemble fort/ à une vision de bonheur./ Aussitôt, effrayé,/ j’ai fait demi-tour ». C’est aussi une écriture vouée à la valeur du « local », attachée au particulier, saturée de noms propres, ceux de personnages inconnus ou de petites localités tchèques. Et, dans le même mouvement, parvenant à communiquer, dans ses passages les plus sereins, un rêve de vie tranquille, sécure : « (…) de regarder/ un jardin de la fenêtre,/ depuis le demi-jour frais et ombreux d’une maison de pierre en été,/ depuis la cuisine,/ où une pendule fait entendre son tic-tac ».
Valse Mélancolique
Zbynek Hejda
Traduit du tchèque par Erika Abrams
Cheyne, 90 p., 20 €
Poésie Valse mélancolique
janvier 2009 | Le Matricule des Anges n°99
| par
Marta Krol
Un livre
Valse mélancolique
Par
Marta Krol
Le Matricule des Anges n°99
, janvier 2009.