Siècle 21 N°13 (Ecrivains contemporains de Berlin)
Peu de capitales européennes ont à assumer un passé aussi tumultueux que Berlin. Mur démantelé, nation réunifiée, que se passe-t-il aujourd’hui dans la ville qui fut à la fois capitale du IIIe Reich, d’où l’on décréta la solution finale, et îlot d’un monde dit libre au milieu d’une guerre baptisée froide ? Siècle 21 braque ses projecteurs sur l’évolution de la littérature contemporaine dans cette « ville palimpseste ». Elle donne carte blanche à l’universitaire et traductrice Nicole Bary qui présente les textes d’une vingtaine d’écrivains « entrés en écriture » entre la chute du mur et la réunification, pas forcément de la même génération et ne formant ni groupe, ni école. « Mais si leurs romans, récits et nouvelles représentent une grande diversité d’écritures et d’esthétiques, ils ont en commun des tonalités inhabituelles : ils puisent dans le langage du quotidien de la rue et des différents microcosmes qui la fréquentent, cultivent un humour corrosif, pratiquent la dérision et l’humour noir. » Ni engagés, ni intimistes, ils font refléter dans leurs écrits un large pan de la « réalité sociétale ». S’ils semblent tous fascinés par Berlin, l’une des villes d’Europe les plus créatives et dynamiques, ils viennent pour beaucoup de l’« entre-deux monde ». Sont berlinois de naissance, d’adoption, « à temps plein ou à temps partiel » et l’allemand n’est pas forcément leur langue maternelle. Ainsi de Turquie sont venus Emine Sevgi Özdamar et Zafer Senocak, du Japon Yoko Tawada, d’Iran le poète Saïd. Ilma Rakusa est née en Slovaquie de parents slovène et hongrois. La langue devient alors plus qu’un enjeu identitaire. Marica Bodrozic, née dalmate en 1953, rejoint l’Allemagne à l’âge de 10 ans. Elle parle de la langue comme d’un territoire. " Lorsque j’ai commencé à écrire, pénétrant le visage de mon grand-père avec des mots allemands, ce visage de l’amour, ce premier pays humain m’adressa lui aussi la parole, il jaillit hors de moi et devint un monde autonome, devint ce qui de toute façon avait été en moi durant toutes ces
Siècle 21 consacre également un dossier au poète italien Carlo Bordini, ainsi qu’un carnet où des écrivains du monde entier évoquent le train. Une revue ambitieuse, généreuse offrant un maximum de textes vivants et inédits. « Pourquoi certains traversent-ils les frontières comme s’ils étaient transparents, tandis que d’autres s’y heurtent comme des moineaux contre une vitre ? »
SiÈcle 21 N°13, 192 pages, 17 € (2, rue Emile Deutsch de la Meurthe 75014 Paris)