Le narrateur, un sans-abri, squatte une petite maison jaune, située sur une île de la banlieue parisienne ; maison qui pourrait être ici ou ailleurs, tant son locataire entretient avec le monde extérieur un lien étrange, plus rêvé que réel. Les Mouche, voisins improbables sur lesquels le narrateur se perd en conjectures et qu’il voit apparaître dans des visions semi-conscientes, tout comme le SDF, homme sec qui se propose de cohabiter avec lui, existent-ils vraiment ou sont-ils les pures créations de son cerveau ? Dans ces pages dépressives on avance à tâtons, sans toujours tout comprendre, intrigué. Clos sur lui-même, égaré par moments, le texte est plutôt anxiogène dans son ressassement tortueux, zébré de récits oniriques quasi surréalistes et traversé d’éclairs de lucidité, comme dans ce passage où le narrateur relève le sol de sa maison et s’absorbe dans cette tâche physique, « oubliés les rêves éphémères, les écritures inutiles, épuisantes, vaines, les fantaisies délétères. Le sol, rien que le sol, le terre à terre, du solide, du sérieux… » C’est justement cela le problème, sortir d’une solitude dont on ne sait plus si elle est choisie ou absolument subie. J’entre enfin fait partager aux lecteurs cet enfermement en soi, cette interrogation que chacun peut porter sur la consistance de ses jours, ce flottement que Francis Bérezné restitue au détour d’une promenade : « Hier après m’être engagé le long d’une berge, je me suis soudain retrouvé à cheminer sur l’autre. Ai-je dormi entre les deux, ai-je rêvé ? Etait-ce seulement une distraction ? La vue du fleuve m’a soudainement rendu au monde, mais les reflets dans son eau, en déchirant le paysage, m’ont brisé l’âme, m’ont courbé, assommé, échiné. »
J’entre enfin de Francis Bérezné
La Chambre d’échos, 92 pages, 13 €
Domaine français Périphérie intérieure
juillet 2007 | Le Matricule des Anges n°85
| par
Delphine Descaves
Un livre
Périphérie intérieure
Par
Delphine Descaves
Le Matricule des Anges n°85
, juillet 2007.