Septième livre depuis Grièvement (1992) au récent La Blondeur (2006), Je suis une grande actriste confirme la singularité de la voix de Cécile Mainardi, à même hauteur que celle de Véronique Pittolo, Caroline Dubois ou Isabelle Pinçon, par exemple. C’est la vitesse, le décalage permanent, et, tout compte fait, le déséquilibre toujours affleurant, qui caractérise peut-être le mieux ce qu’elle cherche dans la prosodie de ses phrases. Elle y répond par l’habitacle d’un poème qui, à mesure qu’il s’emballe, casse ses rythmes, les varie, les syncope doucement, jusqu’à nommer ses accentuations, sa stéréophonie plastique. À bout de souffle, on peut visionner ce que l’on entend, comme dans un film : « alors/ si je vous demande d’une traite quel est/ le film qui détient le plus long baiser du/ cinéma/ le baiser le plus long,/ dites-moi un peu où vous en êtes de ce/ que je vous dis/ là/ où/ et quand se lacent les/ fils de votre mémoire ». Ailleurs, l’actriste se demande, comme dans un possible « affichage mental », si « on ne touche pas la/ neige/ l’absolu noli me tangere de/la neige » quand on questionne ainsi le présent, autre mot, dit-elle, de l’éternité. « Quelle histoire se raconter » est la question que posent les livres de Cécile Mainardi, mais elle est traitée avec la même sensualité en noir & blanc que celle de L’Avventura d’Antonioni et la même recherche de vérité. Avec le mouvement de hanches d’une blonde qui roussit l’image, elle dit « je ne sais pas quand je comprends,/ mais ça fait passer le présent comme un/ courant désaimanté dans ma voix// comment on passe d’une chose à/ une autre/(…) l’équipement mauve au milieu de la/ rade/ à l’heure où l’on se baignait encore il y a/ dix jours ». Et on l’entend doublement, en stéréo.
Je suis une grande actriste de Cécile Mainardi
Éditions de l’Attente, 84 pages, 7,20 €
Poésie La stéréophonie de Cécile
mars 2007 | Le Matricule des Anges n°81
| par
Emmanuel Laugier
Un livre
La stéréophonie de Cécile
Par
Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°81
, mars 2007.