Fabienne Jacob reprend avec Des louves, le personnage qu’elle avait quitté dans la dernière nouvelle de son recueil Les Après-midi ça devrait pas exister (Buchet Chastel, 2003). L’adolescente qui s’ouvrait à la sensualité en découvrant la chaleur bienfaisante du soleil a grandi. La voilà mariée, mère d’un enfant, ayant cristallisé des préoccupations plus anciennes dans ses rapports avec les hommes. Une vie entière tournée vers la connaissance du corps de l’autre : tout savoir et tout deviner sur un quidam rien qu’en le regardant passer. Et surtout : être attirée par ceux qui, opaques, se refusent à cette analyse. Simon, un ouvrier taciturne, « recouvert de poussière et de soleil » est un amant auquel elle ne peut résister. Une attraction fondée sur le manque. Une fascination du corps née dans l’enfance. Des dimanches après-midi à détailler les habitants, dont Zora qui avait « un ventre à étages et des cuisses qui se touchent. Sa peau sentait la farine ». Une évocation à la fois crue et sensuelle doublée d’une interrogation sur le désir. « Son corps était devenu comme ça parce que personne ne le désirait. Les corps deviennent ce que les autres corps désirants désirent qu’ils soient ». Fabienne Jacob s’attache avec douceur aux inquiétudes d’un personnage qui n’a pas quitté les verts paradis de l’enfance. Un propos grave, dense, livré sur le ton de la confidence. Les très nombreux souvenirs évoqués illustrent la nostalgie d’une période de l’existence où la question du désir de l’autre se pose, sans qu’il soit encore besoin d’y trouver une réponse concrète. Le temps vécu règne en maître. Les enfants sont encore de petits dieux pour leurs parents. Et la vérité semble encore toute relative. Toutes choses qui deviennent problématiques lorsqu’il faut accepter de grandir.
Des louves de Fabienne Jacob
Buchet Chastel, 120 pages, 12 €
Domaine français Corps à coeur
mars 2007 | Le Matricule des Anges n°81
| par
Franck Mannoni
Un livre
Corps à coeur
Par
Franck Mannoni
Le Matricule des Anges n°81
, mars 2007.