C’est un petit livre curieux et plein de charme que ce Journal de l’imitateur. Le narrateur tient donc son journal dont, probablement, nous ne lisons que ce qu’il écrit entre le 22 février et le 3 mars d’une année qui pourrait être 89, mais rien n’est dit à ce propos. Une dizaine de jours qui sont marqués par la lecture que l’homme fait d’un livre de Thomas Bernhard : L’Imitateur. Emprunté, comme il a l’habitude de le faire, au bibliobus, le livre de l’Autrichien est d’abord une promesse : « L’imitateur, en grandes lettres rouges. Je rougis de plaisir rien qu’à les regarder. Joie de courte durée cependant : j’en attendais trop. » Le lecteur est déçu, il ne trouve pas le plaisir de la langue qu’il a avec d’autres (Limbour, Calet, Larbaud…). Le lendemain, son journal cependant montre un désir de retourner à sa lecture. Puis le jour suivant, ça y est, c’est devenu un appel incessant. Goffette met en scène drôlement cette montée de fièvre, puis, peu à peu, les pages du diariste reçoivent en elle de plus en plus de phrases venues du livre de Bernhard. Pire, des amis de sa femme viennent voir notre héros : la scène telle qu’il la rapporte dans son journal ressemble à une scène du maître autrichien. Il faut peu de pages à Guy Goffette pour nous signifier le franchissement du miroir. Son héros devient à son tour l’imitateur de l’imitateur. Il prend conscience de la vie que son travail de professeur l’oblige à mener, se révolte contre l’Éducation nationale : bref, il se Bernhardise !
Si quelqu’un vous demande un jour comment un livre peut changer une vie, dites-lui de se procurer ce très beau petit volume. Il y trouvera une illustration aussi légère qu’éclatante de ce que la littérature peut faire.
Journal de l’imitateur
de Guy Goffette
Fata Morgana, 35 pages, 9 €
Domaine français Bernhardite aiguë
février 2007 | Le Matricule des Anges n°80
| par
Thierry Guichard
Un livre
Bernhardite aiguë
Par
Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°80
, février 2007.