À la faveur d’une circonstance inhabituelle, d’un lieu inconnu, la personnalité d’un être rencontre son double, son revers, se retourne comme un gant enlevé à la hâte et ce qui faisait point d’ancrage se révèle ligne de fuite. Chacune des nouvelles de ce recueil laisse, au terme de ses aventures, les protagonistes aux prises avec un réel tout neuf, puisque insoupçonné, et avec la question troublante de l’identité, la sienne et celle de l’autre puisque : « Personne ne connaît personne (…). Il n’y a pas une âme sur terre qui sache ce qui se passe dans la tête de quelqu’un d’autre. » Pour Lily guettant l’ostentatoire Mrs Parish qui lui doit de l’argent, pour ce chroniqueur radio licencié par un dictateur et usant de subterfuges pour retrouver son emploi, comme pour Smoking, voyou malchanceux cherchant à se prouver malgré ses déconvenues que Dieu n’est pas blanc, Le Jeu des transformations n’est autre que celui de nos illusions évaporées dans un vaste éclat de rire ou un pincement au cœur ou, plus souvent, les deux à la fois. Et, comme chez Ovide, ces métamorphoses induisent une part de magie qui ne saurait être laissée au seul crédit de l’esprit humain.
Saluée par Salman Rushdie, Pauline Melville, née en 1948 en Guyane, fut actrice, reçut plusieurs prix, dont celui du Commonwealth Writers pour ce recueil en 1990, vit à Londres et est publiée en français depuis 2002 par les éditions Zoé. Entre Caraïbes et Angleterre des exilés, ce troisième opus est un puzzle doué d’une force envoûtante, par la grâce de l’alliance entre l’humour, la finesse, et une voix magnétique.
Le Jeu des transformations de Pauline Melville
Traduit de l’anglais par Christian Surber
Éditions Zoé, 282 pages, 9,50 €
Domaine étranger Fin des apparences
juillet 2006 | Le Matricule des Anges n°75
| par
Lucie Clair
Un livre
Fin des apparences
Par
Lucie Clair
Le Matricule des Anges n°75
, juillet 2006.