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Histoire littéraire À la lumière du mythe

juin 2006 | Le Matricule des Anges n°74 | par Richard Blin

En nous replongeant au cœur des amours de Ted Hughes et de Sylvia Plath, c’est aussi les sources de la création qu’explore le livre de Diane Middlebrook.

Son mari

Ted Hughes et Sylvia Plath, histoire d'un mariage
Editions Phébus

Il aimait la traque et la chasse, était farouche et ambitieux, s’intéressait à l’astrologie comme au chamanisme, et rêvait d’être un écrivain de l’envergure de W. B. Yeats. Né en 1930, dans le Yorkshire, Ted Hughes connut auprès de son frère aîné une petite enfance magique dans les paysages sauvages qui sont ceux des Hauts de Hurlevent. Il y apprit à communier avec les forces brutes d’une nature, véritable source d’émotions. Une passion confortée par la lecture de contes peuplés de bêtes fantastiques, puis relayée par la découverte de la littérature. C’est cet homme à l’aspect bohème et débraillé, grand admirateur de Dylan Thomas et lecteur assidu de D.H. Lawrence, de Freud, de Robert Graves et déjà reconnu comme poète, qui subjugua littéralement Sylvia Plath, en février 1956, à Cambridge, où elle venait d’arriver de son Amérique natale, pour étudier la littérature. Elle avait 23 ans, voulait devenir écrivain et aspirait au grand amour. Et puis, soudain, « ce grand type sombre avec un air d’Europe Centrale, le seul assez immense pour moi « , » fort, rugissant comme un grand vent lancé contre des poutres d’acier ». Quatre mois plus tard, ils se mariaient en secret, « Ted dans sa vieille veste de velours noir et moi dans ma robe de tricot rose offerte par ma mère ». C’est l’histoire de ce couple hors du commun, de sa fin tragique et de ce qui s’ensuivit, que relate Diane Middlebrook dans Son mari.
Rien, pourtant, n’aurait dû les rapprocher. Mais sous l’exubérance de la jeune Américaine, se cachait un être fragile qui, en 1953, avait frôlé la mort, pris dans la spirale d’une dépression morbide aussi soudaine que dévastatrice : cinq mois de détresse absolue et deux séries d’électrothérapie, dont témoignera plus tard, La Cloche de détresse. Chez Ted Hughes, elle aime d’emblée la virilité de l’imagination et de l’homme. Elle voit en lui la puissance et croit que sa vie comme sa poésie en seront magnifiées. Ils auraient sept enfants, mais pas avant d’avoir voyagé et publié chacun un livre… Quant à lui, très influencé par La Déesse blanche de R. Graves, il croit que des forces nous gouvernent et qu’elles peuvent s’incarner. Il voit en Sylvia, la Muse, la déesse fertile, celle à travers qui les mythes et les rituels ancestraux se perpétuent. La poésie naît des commotions de la vie émotionnelle. Elle est l’expression d’une énergie universelle où l’instinct et l’intuition se mêlent à l’appétit d’absolu et au désir de célébration. Avec Sylvia, il vit cette complicité sexuelle et créatrice, car elle aussi fait de ses états émotionnels une source de créativité. S’articulant autour de la fascination que chacun éprouvait pour les écrits de l’autre, c’est un même esprit qu’ils partagent dans des corps pourtant très différents.
Une union qui, de « merveilleusement » féconde, va devenir invivable. C’est qu’invisiblement la « vie secrète » de l’imaginaire de chacun, suivait son cours. Lui, eut besoin de retrouver « la liberté du chasseur qui vagabonde ». Elle, jalouse, dut constater que celui dont elle avait fait le père idéal, le mentor, le protecteur, le « dieu » n’était qu’un homme mû par ses pulsions, par cette violence qui nous lie au monde animal, et dont il nourrissait sa poésie. Hughes pensait que la civilisation dépossédait l’homme de sa vitalité animale et que la poésie devait être cette force décivilisatrice capable de réveiller, chez le lecteur, ce qui subsiste de sa capacité à ressentir les émotions primitives. Pensant en images, usant d’un bestiaire fantasmatique, s’appuyant sur des signes et des présages, il conçoit le poème comme l’équivalent verbal de la transe du chaman : un moyen d’entrer en contact avec un état primitif de la conscience. Véritable alchimie de désirs et de peurs, de désastres et de métamorphoses dont l’intensité et la symbolique sont au fondement même de son écriture.
Se retrouvant seule, à 30 ans, avec deux enfants, Sylvia Plath fera face, admirablement, tout en se sachant à la merci de sa vulnérabilité « comme si ma vie était animée de manière surnaturelle par deux courants électriques, l’un positif et joyeux, l’autre négatif et désespéré ». Elle vit sous antidépresseur et somnifère. Le 4 février 1963, elle écrit à une amie, « Tout explose & bouillonne & se fausse & se fend ». Le 11, elle calfeutre sa cuisine et tourne le bouton du gaz.
Devenu son héritier, Ted Hughes (qui est entré dans une autre histoire d’amour passionnelle qui durera aussi longtemps que son mariage avec Plath et se terminera identiquement par le suicide de l’aimée) publiera Ariel (1965), un ensemble de poèmes dont Sylvia Plath savait qu’il ferait sa renommée. Hughes se mariera en 1970, connaîtra encore bien des aventures, et surtout répondra aux accusations dont il fut l’objet après la mort de Sylvia, par la publication, peu avant sa mort, en 1998, de Birthday letters, un ensemble de lettres en vers où il s’adresse à Elle. Des poèmes écrits sur une période de vingt-cinq ans, et retraçant leur histoire, mais une histoire où il incarne « son mari » ce que Diane Middlebrook analyse remarquablement, montrant comment il parachève ainsi la mythologisation de leur couple.

À la lumière du mythe Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°74 , juin 2006.