Claude Simon déclare, en 1984, avec humour : « J’ai essayé de la peinture, de la révolution (comme tout le monde…), puis de l’écriture… Il s’est trouvé que là, ça a mieux marché. Du moins, je me le suis figuré… » Il espère, en effet, devenir peintre, d’inspiration cubiste, dans les années 30, puis y renonce mais pratiquera la photographie jusqu’à la fin de sa vie : le bel album Photographies 1937-1970 (ici analysé avec finesse, en écho, en particulier, à La Chambre claire de Barthes) en témoigne. Ce recueil de textes universitaires offre une riche diversité d’approches : si quelques articles sont plutôt destinés à des lecteurs avertis, la plupart de ces essais ouvrent des voies d’accès sensibles à l’œuvre multiforme du prix Nobel, décédé cet été. Si certains textes entretiennent avec l’image un rapport avoué La Chevelure de Bérénice écrite en regard de peintures de Miró, Orion aveugle « à partir de certaines peintures que j’aime » nombre des romans sont « suscités » par des images, cartes postales pour Histoire, illustrations pour Leçon de choses, et, plus généralement encore, le narrateur est souvent un « œil », un « je-œil », découpant le réel comme un photographe, effectuant des variations, des séries comme un peintre, « montant » les scènes et séquences comme un cinéaste (la fin du Jardin des Plantes s’amuse à présenter sous forme de scénario un épisode central de La Route des Flandres). Ainsi que l’explique le bel entretien avec Yves Peyré, écrivain qui fut l’ami de Simon, on trouve dans ses œuvres, comme « une urgence », une « montée vers le visible qui, finalement, est transposée au niveau de la matière sonore » : « il incorpore tous les éléments du monde en les faisant passer dans la langue ».
Les Images chez Claude Simon
Sous la direction de S. Bikialo et C. Rannoux
La Licorne/Presses Universitaires de Rennes
232 pages, 19 €
Essais L’œil écrit
octobre 2005 | Le Matricule des Anges n°67
| par
Thierry Cecille
L’œil écrit
Par
Thierry Cecille
Le Matricule des Anges n°67
, octobre 2005.