Rien de plus difficile que de parler de musique tant « comme l’amour toute musique est secrète pour celui qui l’écoute ». Elle abolit le monde, et contrairement aux mots qui ne délivrent de rien, elle nous libère du sens parce qu’elle ne renvoie qu’à elle-même tout en nous initiant « au mystère sans secret de notre propre énigme ». C’est ce langage intime dans ses rapports avec l’origine et le non-langage du langage qu’analyse Musique secrète. Un « essai de vérité », une traversée de soi, qui est aussi le récit d’une vocation suspendue, « détournée de sa fin secrète ».
Si Richard Millet n’est pas devenu compositeur, c’est peut-être pour mieux concilier littérature et musique. Car c’est en musicien qu’il écrit ses livres, dans le retrait et la solitude, composant avec la seule oreille interne, « l’oreille à quoi tout écrivain devrait soumettre sa langue ». Une écriture toute en musicalité, riche de ses secrets contrepoints, du jeu de ses voix intérieures ou souterraines et de ses harmoniques latentes. Richard Millet écrit pour apaiser la douleur de la perte de l’enfance la libanaise comme la corrézienne, et pour approcher « ce qui se tait dans toute enfance, dans le taire du taire », et qui est « cela même que quête toute haute musique : le moment où elle est à même de se taire, où cette approche du silence est non pas renoncement ni défaite mais joie ».
Exercice d’admiration, autoportrait fragmenté, tentative d’élucidation des rapports secrets d’une vie et de l’œuvre, Musique secrète lève un peu du voile sur un auteur plutôt discret, tout comme le fait, à sa façon, Fenêtre au crépuscule, un livre d’entretiens avec Chantal Lapeyre-Desmaison (Table Ronde) dont les marges sont illustrées de nombreuses photographies personnelles.
Musique secrète
Richard Millet
Gallimard (L’un et l’autre)
235 pages, 15,90 €
Domaine français Jouissance du sonore
juin 2004 | Le Matricule des Anges n°54
| par
Richard Blin
Un livre
Jouissance du sonore
Par
Richard Blin
Le Matricule des Anges n°54
, juin 2004.