Le pays n’est jamais cité, il est pourtant de ceux dont on souhaiterait qu’il n’ait jamais existé, dévasté par une guerre fratricide, les Casques bleus impuissants, à cheval sur le fil de la haine. De part et d’autre d’une colline, trois personnages murés dans leur solitude, le cœur et l’âme désertés. Trois monologues qui alternent en de courts chapitres. Une femme, pauvre lambeau de chair tuméfié, labouré. « La guerre a fait de nous des armes à retardement. Le plus fort a semé dans nos ventres des enfants qui finiront de nous tuer, plus tard. » Dans la ferme, en face, un homme. Le violeur, l’assassin, le vaincu, « la honte du monde ». Ils ont grandi côte à côte, couru dans les mêmes blés ; aujourd’hui, ils ne se nomment même plus. D’un côté les « rats », de l’autre les « porcs ». Côte à côte encore, unis désormais par la haine et le silence, cette nouvelle « façon de vivre en communauté », entre communautés et à l’intérieur même des familles qui ont explosé. Entre eux, un jeune médecin gallois qui cherche à comprendre. Il incarne un sentimentalisme occidental mâtiné d’ignorance et d’un soupçon d’arrogance. Mais, ici, nul ne saurait rester longtemps innocent. Pas même, et surtout, un Casque bleu. Dans ce deuxième roman, Jean-Louis Serrano continue sa lente exploration de la folie des hommes. Enfermés dans un huis clos à l’échelle d’un pays tout entier, ils cherchent en vain une issue autre que la mort. Il faut reconstruire le pont sur la Drina.
Le Monde m’était promis de Jean-Louis Serrano
Éditions de L’Aube, 224 pages, 18 €
Domaine français Le silence des agneaux
novembre 2003 | Le Matricule des Anges n°48
| par
Anne Riera
Un livre
Le silence des agneaux
Par
Anne Riera
Le Matricule des Anges n°48
, novembre 2003.