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Égarés, oubliés Le sourire qui mord

octobre 2003 | Le Matricule des Anges n°47 | par Éric Dussert

Homme d’esprit, Edmond About (1828-1885) fut un romancier très populaire et un journaliste à la plume redoutable. Il ne recula devant aucune provocation et le paya.

Bien connu de ses contemporains pour ses bons mots, Edmond About a rencontré le sort réservé aux hommes de lettres qui ne savent pas garder leur sérieux. S’il fut un incontestable styliste et un humoriste efficace, s’il fut un authentique « best-seller », sa réputation ne fut jamais bien fringante. Et lorsqu’il disparaît le 16 janvier 1885, le journaliste Philibert Audebrand fait ce triste constat : « Pauvre Edmond About ! Avec quel raffinement de cruauté la Fortune l’avait vite couronné, puis décoiffé des myrtes, des lauriers et des lilas blancs qu’elle lui avait mis sur la tête ! » Déjà, en 1867, Ernest d’Hervilly faisait un commentaire désastreux élogieux au fond, mais par antiphrase : « C’est un rude destin que celui qui condamne un homme à survivre à sa réputation et à vivre de son passé. (…) Je trouve que l’esprit si français, si net, si primesautier, si agressif de M. Ed. About, prend trop largement sa place dans ses œuvres dites sérieuses. Eh, sans doute, grâce à sa belle langue épurée et maniée avec une dextérité sans égale, il est bien le petit-fils de Voltaire et le chef des Normaliens ». Il est vrai qu’About l’athée fut un touche-à-tout narquois capable de passer d’une étude sur La Grèce contemporaine (1854) qui lui valut son premier succès à la chronique journaliste mordante. Cela se paye. Alcide Dusolier ne sera pas plus tendre : « Qu’il en prenne, ou non, son parti, M. About n’est qu’un écrivain pour « chemin de fer » ». Néanmoins, ce journaliste reconnaît que le confrère « a l’esprit lorsque tant d’autres n’ont que le mot, et qu’il a le style lorsque tant d’autres n’ont que la forme ». About était-il craint ? Trop voyant ? Brouillon ? N’a-t-il pas blessé trop d’ennemis ?
Quelques tentatives malheureuses dans le domaine théâtral avait déjà donné de bons prétextes pour remettre ce fils d’épicier lorrain à sa place. En 1856, Guillery, une comédie mal ficelée n’eut que deux représentations. Gaëtana ne fit pas mieux : sa première donnée le 3 janvier 1862 fut l’occasion d’un sacré tohu-bohu. Le Quartier Latin tout entier s’était mobilisé pour conspuer un auteur auquel on reprochait sa proximité avec l’Empire et sa versatilité politique. S’il dut en souffrir, About reprit sous le titre fort lucide de Théâtre impossible (Hachette, 1862) quatre de ses tentatives dramatiques. On ne peut manquer de lire dans ce titre le regret d’un écrivain désolé qui n’a cependant jamais reculé devant la provocation il confiait par exemple à un critique auquel il adressait l’un de ses livres : « Parlez-en, mais ne le lisez pas ; cela vous influencerait ».
About avait eu ses triomphes auprès des lecteurs et par conséquent une sorte de revanche populaire par anticipation. Les Mariages de Paris en 1856, puis Le Roi des montagnes (1857) ont scellé son phénoménal succès. Plus tard, L’Homme à l’oreille cassée (1862) et Les Mariages de province (1868) connaîtront le même sort même si, au fond, Edmond About aura relativement échoué. Il est frappant de constater que ses contemporains méconnaissent ceux de ses livres qui resteront importants, ceux qui se dévorent encore avec plaisir : Le Roi des montagnes (une réédition est prévue aux éditions Point de Mire début 2004), Le Nez d’un notaire (1862) envisageant les découvertes à venir de la chirurgie esthétique, Le Cas de M. Guérin (1862) où il imagine un homme en « parturiant » et L’Homme à l’oreille cassée.
Né le 14 février 1828 à Dieuze (57), About avait pu accéder aux études grâce à un bienfaiteur. Brillant élève, il avait remporté le prix d’honneur de philosophie au Concours général de 1848, fut reçu troisième à l’École normale supérieure où, en compagnie de Francisque Sarcey et de Taine, ils avaient mené souvent la pagaille sans que le maître Étienne Vacherot ne leur retire son estime. Celui-ci avait noté à propos d’About : « Élève très distingué, remarquable par sa grande facilité de parole et de composition et par son esprit. Intelligence vive, nette, prompte, trop prompte, parce qu’elle voit, affirme, conclut, avant d’avoir réfléchi. Très fortes études. Travail médiocre. Caractère ouvert et généreux. Nature d’élite, capable de grands dévouements, mais ardente, susceptible et ambitieuse. Susceptible et trop portée à l’ironie. » L’homme est bien là mais n’est-il pas aussi celui qui adresse à George Sand son essai sur Le Progrès (1864) en ces termes : « Je n’ai reçu qu’un atome de bon sens, une miette balayée sous la table où Rabelais et Voltaire, les Français par excellence, ont pris leurs franches lippées. Quant au génie, je l’admire de loin, je le vénère profondément, j’obéis toujours à ses conseils, je m’honore aujourd’hui en lui dédiant ce livre. » Si l’on en croit Albert Leroy qui signe son panégyrique en 1885 : « Edmond About (…) pouvait être un chef d’école littéraire, un grand littérateur : il a préféré être un grand journaliste, il l’a été et il en est mort. » Il semble plutôt que ce soit d’une crise de diabète, à Paris, en son domicile du 6, rue de Douai, près de la place Pigalle, le vendredi 16 janvier 1885 vers vingt-deux heures trente.

Le sourire qui mord Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°47 , octobre 2003.