Art de l’ellipse et de la suggestion, poème de l’instant révélé, le haiku est la forme poétique la plus courte du monde. En trois petits vers (5-7-5 syllabes), et en un temps qui n’excède guère celui d’une respiration, c’est un peu de la saveur du monde et de l’essence intime des choses qui soudain cristallise à travers quelques-uns des signes qu’ils nous font.
« Sous la pluie d’été/ raccourcissent/ les pattes du héron ». (Matsuo Bashô)
Évoquant beaucoup en montrant peu, tout le haiku est dans l’unicité d’un instant, la grâce d’une saisie, l’attention portée à la plus infime réalité. En chacun d’eux, une silencieuse évidence s’incarne nous rappelant comme en filigrane combien tout est transitoire, à commencer par nous… pour qui la nature n’a pas plus d’égards que nous n’en avons pour les insectes.
De la beauté entrevue au consentement à la nécessité cachée de ce qui survient, le haiku tient d’un équilibre miraculeux entre abandon et éveil, détachement et dérision.
« Ce trou parfait/ que je fais en pissant/ dans la neige à ma porte ! » (Kobayashi Issa)
Des coagulations d’être au cœur du vide ; une façon d’imager l’indicible en dénudant l’apparence jusqu’à sa transparente ambiguïté ; de la densité décantée, des collisions d’éphémère et d’éternité, de la sensation qui pacifie : le haiku ou l’ombre d’une âme sur la neige du silence.
Sans jamais se prendre au sérieux mais dans la plus totale lucidité, c’est l’insignifiance même de notre présence au monde et l’extrême relativité de ce que nous pouvons vivre qui se trouve ainsi souligné comme d’un trait de vent.
De Bashô jusqu’aux poètes contemporains, en passant par Buson, Issa, Shiki et bien d’autres, Haiku présente un panorama complet du genre. S’inspirant des almanachs classiques, cette anthologie suit le cours des saisons -car la référence saisonnière est indispensable au haiku, ne serait-ce que pour rappeler l’essentielle complicité que cette forme poétique entretient avec le rythme du temps. Un ouvrage de référence.
Haiku, anthologie du poème
court japonais
Présentation, choix et traduction
de Corinne Atlan et Zéno Bianu
Poésie/Gallimard
240 pages, 5,45 €
Poésie Absolument rien, absolument tout
mars 2003 | Le Matricule des Anges n°43
| par
Richard Blin
Un livre
Absolument rien, absolument tout
Par
Richard Blin
Le Matricule des Anges n°43
, mars 2003.