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Histoire littéraire « Macnabé » ressuscité

janvier 2003 | Le Matricule des Anges n°42 | par Stéphane Branger

Figure emblématique du Chat Noir, Maurice Mac-Nab (1856-1889) n’était pas tendre avec ses contemporains. Ce "croque-mort de la chanson", à l’humour communicatif, était aussi un véritable contestataire.

L’édition complète des œuvres de Maurice Mac-Nab (poèmes, monologues et chansons) permet de faire ressurgir de l’oubli l’un des piliers du cabaret montmartrois du Chat Noir qui fut une idole en son temps. C’était un « prince de l’humour » (noir) et avec quelques complices1 l’un des précurseurs du surréalisme : « Madame Lagrifouille, somnambule, 32, rue du Plat - à - Barbe, explique les songes. Nom d’un pépin ! Voilà mon affaire ! » L’érotisme et la morbidité non plus n’étaient pas absents de son œuvre, avec une prédilection pour le postérieur féminin. Chroniqueur de son époque, la politique, les faits divers (suicide, misère sociale) ou la publicité ne le laissaient pas insensible. Il était contestataire et anarchiste, même si, sur la base de quelques témoignages (douteux), on a voulu faire de Mac-Nab un conservateur voire un réactionnaire, celui-ci prêtant sa voix à un personnage dans l’une de ses chansons : « Depuis quatorze ans je suis maire, Bien que je me flatte, dit-on, D’être un peu réactionnaire ». François Caradec, à qui l’on doit la direction de ce volume, semble s’être laissé abusé en adhérant à cette thèse. On verra à la suite de ces lignes les fondements de la thèse anarchiste, son frère d’ailleurs le laissait entendre dans une préface qui n’est malheureusement pas reprise ici : « Ceux-là qui sont nés avec des aspirations vers un idéal quelconque, dont l’ organisation sociale féroce confine l’existence en des besognes répugnantes, mal rétribuées, ceux-là me comprendront ».
Mais qui était donc ce poète qu’un article décrit en ces termes : « Mac-Nab possédait la voix la plus rauque, la plus fausse quil soit possible d’imaginer ; on croyait entendre un phoque enrhumé ». Ce drôle de nom n’était pas un pseudonyme. D’origine écossaise son arrière-grand-père s’était installé en France, à Sancerre dans le Cher en 1763, il était écuyer et garde du Roi. Maurice vit le jour le 4 janvier 1856 dans la propriété familiale du Château de Fay à Vierzon, vingt minutes après son frère jumeau Donald. C’est là qu’il apprit à lire et à écrire, au sein d’une famille sensible aux arts, et qui fréquentait des socialistes révolutionnaires. Toutes ces idées progressistes allaient baigner l’enfance de Maurice et l’influencer plus tard. En 1874 il poursuit ses études avec Donald au Petit Séminaire de la Chapelle Saint Mesmin (Loiret) en classe de rhétorique, avant d’effectuer son service militaire qui ne devait guère convenir à son tempérament.
Après la quille vers 1877, Maurice monte à Paris et devient employé des Postes. Employé modèle, il le restera toute sa vie, sa famille étant ruinée il n’avait guère le choix. Mais la passion de l’art le brûle. Il écrit, il dessine. En 1878 Émile Goudeau fonde le club des Hydropathes (l’ancêtre de nos cafés-théâtres) rive gauche, Mac-Nab y fait ses premiers pas avec ses morceaux Les Fœtus, grand classique de l’humour noir et Les Poêles Mobiles, texte publicitaire alternant les couplets lyriques avec l’annonce de la réclame. En 1879 il écrit Un bal à l’Hôtel de Ville où il plaisante le conseil municipal de Paris. Cela faillit lui attirer des ennuis mais le chef de la Maison militaire du président de la République Jules Grévy arrangea la chose. Le poète a 23 ans, Grévy l’excusa : un homme politique doit savoir avaler un crapaud tous les matins. Dans ce texte il blague également le peuple qui se laisse manipuler en échange d’un festin. Sa réputation était faite au Quartier latin et ses monologues y firent fureur.
En 1881, l’ambiance fantaisiste des Hydropathes renaît à Montmartre, où l’artiste peintre Rodolphe Salis ouvre Le Chat Noir. Mac-Nab y rencontre un succès foudroyant, tout son être rayonnait le comique. Avec trois gestes et trois notes dans la voix, l’effet était irrésistible. Tout de noir vêtu, il donnait l’impression de prononcer une oraison funèbre… Mais se laissant prendre par les bons sentiments il ne fut jamais payé, si ce n’est en alcool. Il chante L’expulsion(des Princes), un pamphlet anarchiste traitant de l’écartement du pouvoir des membres de l’ancienne famille royale. Un véritable tube. Le texte est publié le 13 juin 1886 dans Le Courrier français avec une dédicace aux Députés de la Gauche pour les encourager dans leur vote du 23 juin (on voit mal un réactionnaire adopter une telle attitude). Cette même année c’est la parution d’un premier recueil illustré par lui-même Les Poèmes mobiles. Employé des Postes le jour, chansonnier la nuit, sa santé est défaillante. En 1887 il publie Les Poèmes incongrus et interprète son plus célèbre morceau Le Grand Métingue du Métropolitain. Ce texte évoque une réunion tumultueuse au sujet de la création du métro à Paris, troublée par « les anarchistes, les blanquistes » avec à leur tête le socialiste Edouard Vaillant militant pour un financement sans intervention des capitalistes. Il parle aussi des grèves de Vierzon, qui en connut dix-sept cette année-là et plus particulièrement celle de la Société Française, et de l’énorme mouvement de solidarité à travers le pays à cette occasion. La maladie le gagne peu à peu, atteint de phtisie il va chanter dans les soirées grelottant de fièvres, tout Paris le réclame. Il compose Le Pendu et une opérette Malvina Ière avec le compositeur Hireleman avant de partir pour Cannes en 1888, comme employé des Postes à mi-temps pour soigner sa tuberculose. Maurice propose quelques vers dans la presse locale dont certains au pacifisme naïf les peuples étaient plus sages ;/(…) Au lieu de brûler de la poudre,/ On se battrait avec des fleurs. De retour à Paris il achève hâtivement une thèse médicale sur « Le mal aux cheveux, la gueule de bois » présentée à la Faculté de Montmartre, tout ça pour de rire bien sûr, ce fut sa dernière œuvre. Il reçoit les Palmes académiques et après six mois passés à l’hôpital Lariboisière, Maurice Mac-Nab meurt le jour de Noël 1889 à 23 heures, il avait presque 34 ans.
Loufoque et tragique, ce « croque-mort de la chanson » laisse une œuvre assez mince, enrichie ici de nombreux inédits, et dont la justesse du regard sur la société est toujours d’actualité. Mac-Nab parlait déjà d’écologie en son temps : « À Paris, la Seine est trouble, ça n’est pas drôle du tout ».

Poèmes mobiles
Maurice Mac-Nab
L’Atelier des Brisants
314 pages, 25

1Lire la très belle anthologie Les Poètes du Chat Noir par André Velter (Poésie/Gallimard, 1996)

« Macnabé » ressuscité Par Stéphane Branger
Le Matricule des Anges n°42 , janvier 2003.
LMDA PDF n°42
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