Certains récits avancent sous l’autorité de la douleur et refusent toute autre tutelle qui pourrait les soulager. Ils charrient une souffrance qui semble les galvaniser. Pour son premier roman, Emma Schaak, 33 ans, s’abandonne à ce « bonheur d’être triste ». Son écriture, suave et docile, conquise par la tristesse du propos, paraît se ressourcer dans les tourments de son héroïne : femme meurtrie par le « mal ajustement » entre les êtres, amante déçue par des amours confuses acceptées sans méfiance, et mère si peu réconfortée par la présence de deux enfants qu’elle engage dans sa propre solitude. « Mes jours se recroquevillent chaque soir, et mes enfants grandissent pendant la nuit. » Pour dire cette démission affective, vécue au rythme des saisons ressenties jusque dans la chair, Emma Schaak réveille les blessures, les sacrifices et les souvenirs. « Je n’ai pas encore la maturité, le recul, le dédain nécessaire pour écrire sans maux. Et si je souffre ça fait toutes ces tâches. Écrire et souffrir ça revient au même », lit-on. Que cette maturité à venir ne brise jamais la sensibilité de l’écriture.
Pour être chez moi
Emma Schaak
Le Rouergue
94 pages, 8 euros
Premiers romans Pour être chez moi
juin 2002 | Le Matricule des Anges n°39
| par
Pascal Paillardet
Un livre
Pour être chez moi
Par
Pascal Paillardet
Le Matricule des Anges n°39
, juin 2002.