N’était son argument tout à fait original, le deuxième roman de Cédric Fabre -il publiait La Commune des minots l’an dernier (Folio Série noire)- ne dispose pas des atouts d’un bon livre. C’est regrettable car son sujet fait naître un espoir qui s’étiole au fil des pages. Pour nourrir les aventures de Pierre de Gondol -le libraire détective créé par Jean-Bernard Pouy à la mode du Poulpe-, Fabre a pris l’initiative de ressusciter deux écrivains, de mêler leurs parcours et leurs livres, de leur imaginer un gros secret. Inspiré, son choix s’est porté sur deux grands brûlés de l’existence : Jean-René Huguenin (1936-1962), ancien élève de Julien Gracq, condisciple de Renaud Matignon et comme lui exclu de Tel Quel par Jean-Edern Hallier et Philippe Sollers, une personnalité symbolique de sa génération qui a laissé un Journal, un roman et des articles avant de se tuer en voiture -les éditions de la Licorne lui ont justement consacré un dossier de grand intérêt, Je rends heureux (1999). C’est son roman La Côte sauvage qui offre à Cédric Fabre l’idée faramineuse : le personnage central du livre, Olivier, n’est pas le fils incestueux de la famille décrit mais l’enfant qu’eut Luc Dietrich (1913-1944), l’auteur-culte de L’Apprentissage de la ville, du Bonheur des tristes et d’autres textes terriblement beaux, avec la maquerelle Arlette.
Malheureusement, passé la surprise, on erre et une paire de cadavres plus loin, on s’ennuie. Truffée de citations qui témoignent d’une profonde connaissance des oeuvres de Dietrich et d’Huguenin, la phrase sans goût de Fabre déçoit. Ses dialogues sont bêtas, les personnages sans épaisseur, le tout est noyé dans un ersatz d’enquête policière avec fou sectaire dangereux. Seul l’aboutissement un peu spectaculaire réveille un lecteur sommeilleux engagé sur cette pente savonneuse.
La Pente si sage de la vie
Cédric Fabre
Baleine
154 pages, 12,20 € (80 FF)
Domaine français La pente savonneuse
décembre 2001 | Le Matricule des Anges n°37
| par
Éric Dussert
Un livre
La pente savonneuse
Par
Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°37
, décembre 2001.