Dans la liste des personnes ou des magazines qu’elle remercie à la fin du roman et auxquels elle a fait quelques emprunts, Marie Darrieussecq omet James Joyce. On pourrait pourtant penser que son utilisation du monologue intérieur doit beaucoup au père d’Ulysse. C’est en effet depuis l’intérieur de chacun que la romancière nous présente cette famille : le père, irlandais, s’est exilé à Gibraltar, Jeanne, l’aînée à Buenos Aires, Anne à Paris et la benjamine, Éléonore chez sa mère sur la côté basque. Manque Pierre, le fils, mort noyé, emporté enfant par une baïne. Il est l’hypocentre du séisme qui va diviser la famille. Si la romancière manie avec bonheur les outils de la modernité (éclatement du récit, polyphonie, mélange des niveaux de langue et des langues elles-mêmes), elle fait l’effet d’une virtuose impeccable dont la partition, cependant, manque singulièrement d’âme. Quelque chose manque. Peut-être eut-il fallu substituer à la futilité des magazines féminins, la sincérité crue de l’expérience ?
Bref Séjour chez les vivants
Marie Darrieussecq
P.O.L
307 pages, 125 FF (19,06 €)
Domaine français Bref séjour chez les vivants
septembre 2001 | Le Matricule des Anges n°36
| par
Thierry Guichard
Un livre
Bref séjour chez les vivants
Par
Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°36
, septembre 2001.