S’il fut publié par Éric Losfeld ou Jean-Jacques Pauvert dans les années soixante, l’humour noir d’Ylipe s’était… dissipé. Prouvant qu’aucune dissipation ne saurait l’assagir, le voici revenu. Une récente exposition de la galerie 1900-2000, intitulée « Les ciseaux du rêve », proposait, à côté d’oeuvres de Jean-Jacques Lebel ou Jean-Luc Parant, ses collages qu’on rapprochera vite, pour faire genre, de ceux des surréalistes. Illustré de ceux-ci, Le Dilettante propose maintenant un recueil d’aphorismes, qui, s’il ne fera pas taire les beaux parleurs, lézardera les beaux discours : des images sans dessins pour répondre à des « textes sans paroles ».
Vite confronté aux paroles castratrices ou bâillonnantes - « déjà petit on me coupait la parole » -, Ylipe a choisi l’aphorisme comme arme d’une bataille, une guérilla qui rira bien le dernier, qui, pour prendre librement les choses au mot se méfie d’une certaine république des lettres -ainsi, sans commentaire, « La coprophagie évite au poète le souci du lendemain », qui est peut-être à rapprocher de « La diarrhée est l’ennemie de celui qui se prosterne ».
S’il est proche de l’absurde d’un Lichtenberg - « Il n’y a pas d’étui pour les étuis » -, Ylipe ne refuse pas un doigt de moralisme de bon aloi - « Faute de but, l’homme devient une cible ». Facétieux aux mille facettes, Ylipe est un caméléon. Un familier du grand mystère pâtissier - « Un soupçon de vanille ne suffit pas pour inculper le gâteau ». Un freudologue frauduleux - « Certaines nuits, il m’arrive de rêver à ma première huître ». Un entomologiste narquois - « Il arrive aux oiseaux de sentir sous les ailes ».
Souvent tordant, toujours tordu, il pousse jovialement à bout l’idée que « le bon sens devrait être un sens interdit ». Ylipe, hip(s), hourra !
TEXTES SANS PAROLES
YLIPE
Le Dilettante
88 pages, 75 FF (11,43 o)
Domaine français Sens dessus dessous
août 2001 | Le Matricule des Anges n°35
| par
Pierre Hild
Un livre
Sens dessus dessous
Par
Pierre Hild
Le Matricule des Anges n°35
, août 2001.