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Domaine français Isou et fier de l’être

avril 2001 | Le Matricule des Anges n°34 | par Éric Dussert

Génie incompris ou maniaque égocentrique, Isidore Isou refait surface grâce à l’intérêt naissant pour les avant-gardes de l’après-guerre. Dont le Lettrisme un programme esthétique pluridisciplinaire et profus qu’il créa en 1946.

Traité de bave et d’éternité

Contre l’Internationale Situationniste

Réflexions sur André Breton

Mes définitions de l’ oeuvre de Jean Cocteau

Depuis l’exposition du Centre Georges Pompidou intitulée « Sur le passage de quelques personnes à travers une assez courte unité de temps » (1989), l’intérêt croît pour Guy Debord, l’auteur de La Société du spectacle et maître à penser du Situationnisme. Après son suicide en janvier 1995, les documents inédits ont fait surface, justifiant le militantisme des éditions Lebovici durant les années 1970 et les publications ultérieures des éditions Allia. La réédition des Irréguliers de G. Guégan (Flammarion, 1999), Lipstick Traces de G. Marcus (Folio, 2000), L’Insurrection situationniste de L. Chollet (Dagorno, 2000) ont apporté à leur tour des lumières sur les origines de l’Internationale situationniste. Dans La Tribu (Allia, 1998) J.-M. Mension décrit l’ambiance alcoolisée du café Chez Moineau (cocktails pastis-rhum), l’effervescence des scholastes buissonniers et des irréguliers. Parmi ceux-ci, un trublion gesticulant sur tous les fronts de l’avant-garde à Saint-Germain-des-Près. C’est Isidore Isou qui a fondé en 1946 le Lettrisme, un mouvement doctrinal, artistique et littéraire – mais aussi social et politique – qu’il situe entre Dada et Situationnisme.
Né en janvier 1925 en Roumanie, Jean-Isidore Goldstein adopte le pseudonyme d’Isou à son arrivée à Paris en août 1945. Débordant d’énergie, il se consacre à l’activisme créatif. Tandis qu’on jazze, les lettristes Isou, Lemaître et Pomerand publient tracts et libelles, « mégapneumisent » leur poésie orale dans leurs récitals au Tabou. Isou poursuit une marotte : bouleverser le monde en s’assurant autant de publicité que possible. Il y parvient, trop bien même lorsque ses énervements le conduisent au poste ou chez Ferdière, le psychiatre d’Artaud. Sa grande idée nommée « Lettrisme » et plus récemment « Créatique » repose sur ce constat : « Il y a une cause première : le moteur de l’évolution sociale n’était pas l’instinct de survie, mais la volonté de créer… Par la volonté de création, l’artiste allait de la bave d’une existence inconsciente à l’éternité de l’histoire faite consciemment. » Dès 1947, on en trouve les prémices dans son Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique d’où il ressort qu’Isou n’est jamais que l’enfant naturel de Lautréamont, Rimbaud, Mallarmé, etc.
Sa doctrine qui s’inspire des thèses de l’école de Prague consiste à utiliser le matériel phonétique et sonore de la langue pour combler le vide entre la lettre et l’esprit. Commentaire de Jean Paulhan : « Nous sommes tous lettristes. Pas un écrivain n’écrirait s’il ne croyait (confusément) que les mots, et d’abord les lettres, ressemblent à ses pensées ». Relayée par La Dictature lettriste et les revues UR de Lemaître (1950-1967), Poésie Nouvelle (1957-1969), La Lettre (1962-1967) ou Lettrisme (1964-1971), le dogme s’installe en marge du Situationnisme dominant car Debord, lettriste de la première heure, commet l’irréparable en juin 1954 : avant de fonder l’Internationale lettriste (qui deviendra l’I.S.), il exclut Isou de son propre mouvement sur cette sentence : « individu moralement rétrograde, ambitions limitées » (Potlach, n° 2). Isou lui fera une guerre totale durant quarante ans (Contre l’internationale situationniste, 1960-2000).
Mouvement controversé, relégué au second plan, le lettrisme a une visée subversive. Isou, c’est la critique radicale mais brouillonne du monde social et politique. Son système pluridisciplinaire englobe la peinture ou le cinéma qui lui assure son plus grand succès lorsque son film Traité de bave et d’éternité fait scandale au festival de Cannes (1951). Reste aussi cette prémonition du Soulèvement de la jeunesse (1953). Pour le reste, le talent lui a manqué. Attaquant la littérature considérée comme une simple production sociale, le lettrisme ne s’est pas soucié de sa propre qualité ni, curieusement, de sa réception. On peut être sensible à l’aspect hirsute et énergique de la bande à Isou, s’intéresser en outre à sa dénonciation de l’incohérence du siècle, on reste sceptique face à ses créations littéraires, quand bien même elles seraient hypergraphiques (« super-écriture » mêlant les registres de l’alphabet, du graffiti, du symbole, de l’image, etc.).
Pourquoi le lettrisme ne perce-t-il pas ? Si l’on en croit les anecdotes rapportées ici ou là, il semble que les lettristes historiques ont découragé les meilleures volontés en se taillant une réputation de pénibles patentés, paranoïaques, procéduriers et méchants. On ne manie pas sans risque l’anathème. Par ailleurs, l’immodestie grotesque dont ont fait preuve Isou et son âme damnée Lemaître les a desservis. Mais il reste un espoir avec des lettristes singuliers, (François Dufrêne, Jean-Louis Brau, Gil J. Wolman et Gabriel Pommerand) dont les efforts dans le domaine de la poésie sonore ou de la « dépeinture » finissent par frapper l’attention.
L’œuvre littéraire d’Isou est à classer dans la catégorie expérimentale. C’est un foutoir foisonnant mais il contient des pépites anecdotiques. N’étaient la dommageable déformation de son ego et l’éparpillement dont il a fait preuve, Isou aurait pu construire une œuvre. Il ne manque pas d’imagination qu’il exprime trop souvent dans l’hyperbole d’un verbe ronflant. Paulhan que la gesticulation d’Isou amusait – quand il ne l’agaçait pas avec ses récriminations d’auteur en manque de publication – disait ceci à Lemaître : « la moitié des manuscrits qu’il nous a fait lire consistait en auto-panégyrique : sans le moindre intérêt. (…) Dix lignes d’Isou, cela va à vau l’eau. » Hormis les quinze pages du récit de l’évasion de Roumanie, Paulhan ne retient rien. N’empêche, Isou écrit. L’emphase stylistique répondant à l’hypertrophie du Moi, on admettra aisément l’authenticité de cet envoi désarmant apposé pour Noël Arnaud sur l’Agrégation d’un nom et d’un messie (Gallimard, 1947) : « Mon gros roman »érotico-hypergraphique« -le plus important après le dernier roman de Joyce, selon moi ». Jamais découragé, Isou tient le cap. Cela lui vaut des commentaires cuisants. Dans Critique, Georges Bataille rend compte du livre qu’il trouve « touchant, affreux, stupide, raté, puéril, génial, aussi risible, aussi gênant qu’un derrière nu » (n° 29, octobre 1948). Mais le derrière d’Isou n’aura pas le succès des fesses de Polnareff. Il s’en moque, Isou, il se plaît.

Avant de se plonger dans les nombreuses publications signées Isidore Isou, on lira avec intérêt le N°8 de La Termitière entièrement constitué d’un long (et mégalo) entretien entre Isidore Isou et Roland Sabatier. La Termitière (6, rue Ballard 13002 Marseille - Tél. : 04 91 91 89 23) fait par ailleurs paraître Amos, ou Introduction à la métagraphologie (26 pages, 100 FF)

Isidore Isou
Traité de bave et d’éternité
et Contre l’internationale
situationniste

Éditions D’Art-s et Hors Commerce
115 et 378 pages, 75 et 145 FF

Réflexions
sur André Breton et
Mes définitions de l’œuvre de Jean Cocteau et
Antonin Artaud torturé par les psychiatres
Al Dante
31, 64 et 132 pages, 65, 85 et 115 FF

Isou et fier de l’être Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°34 , avril 2001.
LMDA PDF n°34
4,00