Difficile en une seule phrase de décrire l’écriture de Mathieu Bénézet, de dire le foisonnement densifié des formes qu’elle prend. Écoutons les précisions qu’il donne pour chacun de ses livres : ménippée, mélodrame, mélange, roman, poésie, miscellanées, prose, rime, récit, essai de voir, de lire, poème. Depuis la parution de son premier livre important, L’Histoire de la peinture en trois volumes en 1968 chez Gallimard (préfacé par Aragon), le trajet de Bénézet est sans concession, sans compromission : chaque livre (presque trente dont, dernièrement, Moi, Mathieu bas-vignon, fils de…[Actes sud, 1999]) a été une traversée à bout de souffle, qu’il s’agisse des syncopes de son vers ou de ses proses litaniques, aux phrases pleines de chairs et de voix anciennes. Né en 1946 à Perpignan, en 1949 à Paris, selon ce qu’il écrit en quatrième de couverture, jouant semble-t-il ironiquement sur la fiction qui compose tout auteur, Mathieu Bénézet est entré en poésie comme un météore, très jeune, avec une rage et une dextérité pour la chose écrite peu commune : c’est ce qu’il nous racontera, avec derrière la tête cette fameuse Imitation de M. B. qu’il publia en 1978, sa traversée de noyé dérivant par les fonds, ses Dits et récits du mortel (1977), ses appels d’air, ses tombeaux et sa joie d’écrire aujourd’hui, à nouveau, en prose. Nous sommes dans son bureau à Radio France, où il dirige depuis plus de quinze ans L’Atelier de création radiophonique sur France Culture et, depuis cette année, l’émission dominicale Entre-revues. Il nous parle des revues qu’il créa, comme Empreintes (entre 63 et 65), de L’Hebdomadaire grammaturgique erreurs (1964), du partage de Première Livraison avec Philippe Lacoue-Labarthe, de la nécessité de les faire exister, de sa collection de proses « Manifeste » aux éditions Comp’act… À l’écouter, une voix vient, une vie remontée se donne.
Ça commence jeune, à 15 ans, par un manuscrit envoyé sous pseudonyme aux éditions du Mercure de France, sitôt accepté et aussitôt retiré par le jeune auteur : « Dès que j’ai commencé à écrire sérieusement, à lire et à correspondre, avec Jean Paulhan, par exemple, à avoir l’idée de revues, comme Empreintes par laquelle je rencontrais Cocteau, j’ai cru devoir publier un livre. Et puis j’ai peut-être eu un instinct de conservation, un mouvement de panique. Je crois aussi que j’avais alors un désir irrépressible de rencontrer des écrivains, et que cette envie passait bien avant celle de publier mes propres livres ». Trois ou quatre choses sont importantes, à ce moment-là, pour le jeune Henry (c’est son premier prénom) : le cinéma, la bibliothèque, la politique et le café. Élève au lycée Voltaire, il suit assidûment les programmes de la cinémathèque du lycée (elle préparait à ce que l’on appelait l’IDHEC). C’est une période vive : « je participais aux luttes antifascistes, distribuais les premiers tracts dans l’enceinte scolaire contre la Guerre...