Comment jouer Enfermement est un roman où le narrateur est l’auteur d’une pièce de théâtre intitulée Enfermement. Celle-ci met en scène, dans la pénombre, un homme noir qui dort dans un lit, autour duquel est exposée sa collection de photographies sur le thème de l’enfermement, ainsi que deux acteurs. Planté ce décor, le dramaturge se lance dans un discours d’une rare virulence à l’adresse de tous les metteurs en scène qui ont donné de mauvaises interprétations de sa pièce. Ce vibrant plaidoyer pour une digne représentation d’Enfermement suscite l’admiration par la vivacité du style et la justesse de la voix. La fureur du dramaturge est telle que tous se font interdire par voie juridique toute représentation ultérieure de son œuvre. Par l’enchâssement de la pièce dans le roman, ce propos est en même temps celui du narrateur valant pour la lecture de Comment jouer Enfermement. Astucieusement, ce procédé permet de capter de manière imparable le lecteur, tout en étant d’un effet fort cocasse.
Par le rôle conféré aux photographies, la pièce joue le drame de la représentation, c’est-à-dire de l’enfermement et de la mort. « La photographie sans cesse revient à la lancinante question de ce qu’elle montre et de ce qu’elle dérobe. » A cet égard, la scène où les deux acteurs décrochent une à une les photographies, pour les placer autour du lit de l’homme jusqu’à le faire disparaître derrière sa collection, est hautement symbolique. A cet instant, dans la « confrontation à l’image unique, l’enfermement, le corps d’une femme, la puissance du silence ou carré blanc sur fond blanc (…) le saint ou le sage, et l’artiste peut-être, gagnent enfin un supplément d’âme. »
A travers cette habile mise en scène, méditant sur la condition de l’artiste, la valeur existentielle de l’art et le statut social de l’œuvre d’art, Bernard Lamarche-Vadel se livre à une variation d’un grand style sur le motif de l’enfermement.
Comment jouer Enfermement
Bernard Lamarche-Vadel
Christian Bourgois
80 pages, 60 FF
Domaine français Au roman comme à la scène
mai 1999 | Le Matricule des Anges n°26
| par
Antoine Daguin
Un livre
Au roman comme à la scène
Par
Antoine Daguin
Le Matricule des Anges n°26
, mai 1999.