Grand rénovateur du théâtre allemand, Gotthold Ephraïm Lessing (1729-1781) fut avant tout un homme des Lumières, un poète épris de tolérance. Et sa dernière pièce Nathan le Sage (1779) en fait la brillante démonstration. Fils de pasteur et lui-même formé à la théologie, l’auteur semble y avoir mûri toutes les questions philosophiques et religieuses qui le préoccupèrent toute sa vie.Interdit par les nazis et très populaire en Allemagne depuis, ce texte a été monté pour la première fois en France en 1987 par Bernard Sobel, puis quasiment oublié. C’est donc une véritable redécouverte que nous propose cette nouvelle traduction, par endroits un peu trop relâchée, et sa création cet été en Avignon.
L’histoire, donc, se passe dans la Jérusalem des croisades. De retour de voyage, le riche juif Nathan apprend que sa fille adorée Recha a été sauvée in extremis des flammes par un jeune chevalier chrétien. Celui-là même que le sultan Saladin a gracié en raison d’une troublante ressemblance avec son frère. D’intrigues en rebondissements finement noués, le Juif, le Chrétien et le Musulman se trouveront unis au sein d’une même famille.Au troisième acte, la parabole des trois anneaux de Boccace, magistralement appliquée ici aux trois religions, résume au fond tout le sens de la pièce. Lumineuse dans la bouche de Nathan, la fable nous enseigne qu’il n’y a pas de vérité unique mais que chacune a ses chances. Chaque homme dans la voie qu’il s’est fixé a le pouvoir de contribuer au bien-être de tous.Sage plaidoyer qui, deux cents ans après son écriture et en cette frileuse fin de siècle secouée par les intégrismes de tous bords, trouve plus que jamais toute son actualité.
Nathan le SageGotthold Ephraïm LessingTraduit de l’allemand par Denis Marleau et Marie-Élisabeth Morf
Actes Sud-Papiers120 pages, 98 FF
Théâtre Lessing le sage
janvier 1998 | Le Matricule des Anges n°22
| par
Maïa Bouteillet
Un livre
Lessing le sage
Par
Maïa Bouteillet
Le Matricule des Anges n°22
, janvier 1998.