Un écrivain peut fêter plus de quarante de poésie et le faire dans l’intimité. Quarante piges ne créent pas une célébrité. Surtout quand on s’appelle d’un nom aux accents flamands alors qu’on est né en 1927 à Aulnay-sous-Bois. Surtout quand on est rétif aux progrès au point d’écrire, en 1981, à propos de la télévision : « À présent que le ciel/ ne nous vient plus du ciel/ mais de cette fenêtre/ nos yeux voient ce que voient nos yeux/ et rien de plus. » Mais Serge Wellens n’a sans doute que faire des trompettes de la renommée, puisqu’aussi bien, il sait que « Chez les fourmis je suis un poète célèbre. » Un poète fêté donc par les éditions (au plomb) Folle Avoine qui offrent un bel échantillonage de ces quarantes années de poésie, depuis J’écris pour te donner de mes nouvelles (1952) jusqu’à Vivre nous tente (1982).
On suit donc le parcours en vers et en frêle prose de ce complice de l’école de Rochefort. S’il aime prendre au pied de la lettre certains mots pour jouer comme en de sages comptines : « Il n’y a rien à voir ici/ tout est réel/ à peine un épervier/ déchire-t-il/ le ciel/ qu’un corbeau le recoud », Serge Wellens se fait profondément triste dans les poèmes urbains de Méduses (1967). C’est peut-être là qu’on le préfère, lorsqu’il renonce à considérer la vie avec bienveillance : « On se connaît, on s’exaspère. On est nombreux. L’horloge et moi. » Comme le fait remarquer Pascal Commère dans le numéro 10 de la revue La Petite Fabrique de rêves * entièrement consacré à Serge Wellens, le poète aime à convoquer les arbres dans ses textes. Trait d’union entre le ciel et la terre, détenteur du sol où il s’enracine, l’arbre est à la fois la figure de l’homme vivant et celle de l’homme mort. Un rêve, presque, d’harmonie cosmogonique.Le recueil anthologique s’achève avec quelques inédits somptueusement poignants, comme ces ultimes vers qui évoquent « L’arbre à soi-même crucifiéï : "que lui-même parfois/ se prenne à rêver/ d’un peu de sève encore/ d’une feuille attardée/ n’y change pas grand-chose// Il ne dans plus sous la lune/ que pour la gloire de l’ortie. »
La Concordance des tempsSerge Wellens
Folle Avoine156 pages, 140 FF
Poésie Sous les arbres, l’homme
novembre 1997 | Le Matricule des Anges n°21
| par
Thierry Guichard
Un livre
Sous les arbres, l’homme
Par
Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°21
, novembre 1997.