Adresse de la multiplication des noms, le premier recueil du poète de langue française Max de Carvalho commence avec un prélude qui fixe les intentions de l’auteur tout en préservant l’émerveillement de l’enfance : « Fantôme du pied de groseillier au fond du jardin,/ fantôme de la boucle de cerises encore dans l’arbre du printemps,/ sous le soleil,/ spectre sylvestre de chien,/ et toi, fantôme de la mèche de cheveux pour l’écrin refermé,/ substances tues,/ objets laissés sur la coiffeuse de la chambre la plus fraîche,/ en été,/ je vous invoque. »
Cette invocation dévoile un univers chargé des parfums et des odeurs des maisons, des fruits et des choses, un univers proche de celui du Proust où les descriptions et la magie des mots tentent de restituer le monde sensible. Le quotidien invoqué en devient alors mythologique.Les poèmes de Max de Carvalho sont longs, très longs. Leur force est d’hypnotiser le lecteur, de l’envoûter en dévoilant toute une parade d’images. Ils ressemblent à ces processions que l’on voit seulement dans les villages, quand des familles de tous bords se rassemblent pour l’enterrement d’un des leurs. Le poète agit alors en narrateur, se situant à distance, mais avec un amour indéfectible, de ces humains dans une représentation immémoriale : « (…) j’aperçois les rangées de cireurs de chaussures,/ j’entends des conversations dont je ne saisis pas le sens/ mais qui sont animées, et j’ignore si ce cri de perroquet/ monte droit du kiosque à journaux/ ou de tout autre part, répercutant l’ombre noire/ d’un mainate qui chantait/ à des milliers de milles de là dans l’enfance. » Les poèmes de Max de Carvalho font, dans un flot d’images, la navette entre le quotidien des villes, traversé avec une certaine mélancolie, et l’enfance, racine des toutes les émotions. Leur beauté naît de ce foisonnement.
Marc Blanchet
Adresse de la multiplication des noms
Max de Carvalho
Obsidiane, 68 pages, 80 FF
Poésie Carvalho, poète itinérant
juillet 1997 | Le Matricule des Anges n°20
| par
Marc Blanchet
Un livre
Carvalho, poète itinérant
Par
Marc Blanchet
Le Matricule des Anges n°20
, juillet 1997.