Qasim a dix ans lorsque ses parents décident de le marier. La famille de Qasim habite un village des montagnes Himalayennes. De son union naîtra six enfants. Puis des fièvres successives détruiront l’ouvrage du temps et des hommes. À trente-quatre ans, Qasim aura perdu femme et enfants. « Il était inconsolable. Le visage gonflé de larmes, la gorge rauque à force de lamentations, il se frappait la poitrine de ses énormes poings ; mais la mort rapide, prématurée, profondément injuste, devait être acceptée ». La suite gardera la teneur de ce monde où la fragilité de l’existence se rappelle inlassablement aux êtres. Car les années qui suivent sont celles de la partition des terres et des migrations : musulmans et hindous érigent leurs pays dans un voisinage sanglant. Les musulmans fuient l’Inde vers le Pakistan. À travers les émeutes, Qasim parviendra à Lahore avec à son bras une enfant égarée, échappée d’un torrent de sang et qu’il baptisera Zaïtoon, du nom d’une de ses défuntes filles ; avec elle il connaîtra les années les plus paisibles de son existence. Qasim retourne dans son village, marier sa fille à un montagnard. Elle découvre un destin rude, plus rude que ce que la ville lui promettait. Elle entre de plain-pied dans l’ombre et le silence réservés aux femmes.
Bapsi Sidhwa, dont La Fiancée pakistanaise est le premier livre traduit en français a vécu sa jeunesse à Lahore. Universitaire, engagée pour la cause des femmes, elle vit en partie aux États-Unis. En contrepoint du portrait de Zaïtoon, l’auteur fait exister le Pakistan dans le regard d’une jeune Américaine cultivée, Carole, séduite par la sensualité orientale, flattée par les regards des hommes qui se débrident sur sa peau. Elle découvre un érotisme aiguisé par l’interdit et la pudeur, enfiévré par les voiles, les senteurs vives, les tissus doux et flamboyants.
Les personnages de La Fiancée pakistanaise éprouvent leur finitude à fleur de peau ; ils vivent dans un monde magnifique et rude, où chaque soleil couchant inspire le réconfort de se savoir vivant.
La fin du livre est une poursuite meurtrière, pleine de suspense et dont l’issue dépend de la liberté que chacun saura prendre avec ce qu’il est. L’issue, de toute façon n’est qu’une virgule infime dans l’histoire d’un peuple.
Christophe Fourvel
La Fiancée pakistanaise
Bapsi Sidhwa
Traduit de l’anglais par
Christine Le Boeuf
Actes Sud
284 pages, 138 FF
Domaine étranger portraits de femmes
septembre 1996 | Le Matricule des Anges n°17
| par
Christophe Fourvel
Un livre
portraits de femmes
Par
Christophe Fourvel
Le Matricule des Anges n°17
, septembre 1996.