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Domaine français L’amour pris à la lettre

septembre 1995 | Le Matricule des Anges n°13 | par Alex Besnainou

Sophie Buyse, jeune auteur belge, donne le pouvoir absolu aux mots. Pouvoir d’amour. Pouvoir de folie. Pouvoir de mort. Un superbe livre.

Avec La Graphomane, on ne sait exactement quel genre de livre on tient entre les mains. Est-ce un roman d’amour sous forme épistolaire ? Un essai sur la correspondance amoureuse ? Quelque chose entre les deux ? C’est tout cela à la fois et plus encore : c’est un livre qui possède une magie rare, celle de se créer à mesure qu’il s’écrit. Un livre en marche entraînant dans son mouvement le corps de l’auteur (et du lecteur) dans un maelström de mots où s’abolissent toutes les frontières entre pensée, savoir, désir, folie et mort. Au lieu de se trouver en présence d’une écriture immobile et figée, d’un compte-rendu narratif ou réflexif, nous voilà face à une interaction entre ce qui s’écrit, celui (celle) qui écrit et celui ou celle à qui l’on écrit. La trame de ce roman est d’une simplicité pure : Mara Kaki est une jeune psychologue en stage à l’Institut psychiatrique de San Clemente (l’île aux fous) dans la lagune de Venise. Simultanément elle rédige un mémoire sur les lettres d’amour d’écrivains contemporains. Qui mieux que Sébastien Cassandre, grand ponte de la psychanalyse et spécialiste de l’étude des passions amoureuses, peut l’aider dans son travail ? Elle engage donc une correspondance avec lui. Mais « l’amour s’installe dès qu’on lui donne la parole ». Et la parole, tout au long de ce livre, on ne cesse de la lui donner. Du mot comme prise de pouvoir sur l’être, de la phrase comme émergence de troubles corporels, érotiques et passionnels. Et cette prise de pouvoir n’est pas un acte barbare, violent, brutal, c’est une lente osmose entre le corps et la lettre. Plus l’échange avance et plus chaque correspondant crée l’autre qui va le (la) lire et s’enchaîner de tout son être. Le premier symbole en est ces morceaux de chaîne que Mara envoie avec chaque missive, puis des moules de petites parties de son corps, la main qui écrit, le nombril, lieu du lien. L’imaginaire s’ancre dans le concret et cela n’est pas sans danger car « le corps qui, de loin, semblait lisse, lumineux, apparaît de près comme un volume fait de masses irrégulières, au relief abrupt, aux parois accidentées ». L’amour existe-t-il avant qu’il n’ait pris corps ? « J’ai bâti votre image en moi, je m’y suis habituée et ne veut plus la quitter. Vous voir serait assurément une déception : vos lettres vous décrivent de façon si parfaite ! » Nous pourrions donc en rester là, dans l’illusion, dans la passion qui se trouve être l’état intense de la souffrance du manque, de l’absence, mais Mara Kaki est plus qu’une graphomane, c’est une « graphamoureuse » et l’amour est une folie. Petit à petit le corps va prendre la place de la lettre, la rencontre de Sébastien et de Mara aura lieu mais loin de marquer la fin et d’être la borne ultime, ce sera une transition vers une nouvelle étape car il est impossible de chasser le mot de la graphomane.
Une magnifique scène d’amour entre nos deux épistoliers les place à quelques mètres l’un de l’autre et pour rapprocher leur corps, ils combleront cette distance de mots écrits à même le sol et se toucheront à l’endroit précis où leurs lettres se rejoindront.
L’écriture de Sophie Buyse est magnifique. Elle transcende l’académisme de ses phrases pour en faire de l’art, elle dépasse les contraintes pour mieux se les approprier. Elle sait aussi se remettre en cause lorsque la théorie l’emporte parfois sur l’émotion.
Et comme le dit Marcel Moreau dans sa très belle préface, Sophie Buyse « a le « saint » tremblement des chercheuses d’infini et des mendiantes d’extase ».

La Graphomane
Sophie Buyse

L’Ether Vague
Patrice Thierry Editeur
238 pages, 130 FF

L’amour pris à la lettre Par Alex Besnainou
Le Matricule des Anges n°13 , septembre 1995.
LMDA papier n°13
6,50