Tous les jours, vers 14 heures, le facteur vient déposer au moins deux manuscrits, après avoir traversé un plateau gelé (moins 10 degrés l’hiver si tout va bien) parfois fréquenté par un chasse-neige. Soit au total 800 manuscrits par an dont deux tout au plus sortiront du lot. Auteurs publiés pour la première fois, méconnus ou habitués de la maison, Cheyne ne fonctionne pas selon la logique de la commande. Les textes arrivent, voilà tout, comme avec le vent. Ils passent entre les mains de Béatrice qui va les enregistrer et les ranger par ordre d’arrivée, prévenir leur auteur des deux mois de délai d’attente. Chaque vendredi c’est une pile de 500 pages qui attend Jean-François Manier et Martine Mellinette. Lus et relus durant le week-end les manuscrits suivent les déambulations de chacun - de la chambre au salon. Ceux qui resteront sur la table de bois seront lus par les poètes du noyau dur de la maison, au fil de leur passage. Les deux mois écoulés, si rien n’est parvenu dans votre boîte aux lettre, c’est que le format A4 et agrafé de vos oeuvres aura rejoint la chambre noire (ici c’est une remise) des manuscrits refusés.
Dans le cas contraire, c’est à une lecture fine de votre futur livre que vous conviera Cheyne, avant que vous ne passiez par le plomb d’une Heidelberg 1965…
Éditeur Deux sur huit cents
septembre 1995 | Le Matricule des Anges n°13
Un éditeur