Alors que le Portugal s’apprêtait, il y a quelques mois, à décerner au poète Herberto Helder l’un de ses prix les plus prestigieux, le prix Fernando-Pessoa, celui-ci, du haut de ses soixante cinq ans, refusa tout simplement l’honneur et ses 7 millions d’escudos. C’est la seule chose que l’on sut les mois derniers d’Helder dans les entrefilets des journaux, en sus de l’avis de publication aux éditions Lettres vives de son dernier recueil : Les Sceaux suivi de Autres Sceaux. Auteur d’une vingtaine d’ouvrages, Herberto Helder est quasiment inconnu en France, malgré la traduction de quatre de ses livres, des poèmes -La Cuiller dans la bouche (La Différence), Science ultime (Lettres vives), et L’Amour en visite (Babel)- et une prose, Les Pas en rond (Arléa). Helder est une figure emblématique de la poésie contemporaine portugaise,Il ne peut être associé exclusivement aux différents courants de créations de son pays : ni surréaliste, mais surréalisant. N’ayant jamais appartenu directement dans les années 50 au groupe de la Table ronde dont l’orientation, donnée par David Mourao Ferreira et Alberto de la Cerda fut de retourner à la tradition lyrique et à la « revalorisation du mythe », mais outrageusement lyrique, très attentif aux fables, mystique aussi, Herberto Helder a pris par ci par là ce qui allait constituer véritablement son travail sur la langue. Aucun mysticisme à faire bailler un prêtre, le ton des premières pages des Sceaux le fait vite sentir : ces poèmes sont d’un baroque monstrueux, inscrits dans un projet métaphysique, tragiques en ce qu’ils prennent acte de la « mort de Dieu », donc de l’impossibilité de la transcendance, donc d’un salut possible. Toutefois, comme un bouc qui charge mille fois devant un mur, c’est dans un rapport au corps, à la terre matricielle, qu’Helder le Dionysiaque entend retrouver et faire resurgir des mots, un sens face à la parole absente du Dieu : « Désentrailler la rose », dit-il, « Car tout est chant de louange dans la vie/inspirée, oui tout »
Les Sceaux et Autres Sceaux
Herberto Helder
Traduit du portugais par
L. Lourenço et M.-A. Graff
Lettres vives
55 pages, 79 FF
Poésie Les spires d’aire d’Helder
juin 1995 | Le Matricule des Anges n°12
| par
Emmanuel Laugier
Des livres
Les spires d’aire d’Helder
Par
Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°12
, juin 1995.