L’écriture de Richard Millet a l’apparente fluidité des rivières et la douceur des corps de femmes que ses narrateurs vénèrent. D’une pureté toute classique ses nouvelles hypnotisent le lecteur de ses méandres de relatives et de subjonctives où s’accrochent comme des feuilles de lierres des subjonctifs naturels et des vouvoiements d’amoureux. On se laisse prendre, et comment résister, par ces récits où s’affrontent le désir des hommes et le mystère des femmes. Richard Millet est un prosateur de charme qui sait se passer des paillettes et des strass et qui fait de l’appel de la chair une prière muette et mystique. Car si, avec ces 11 nouvelles, le funambule risque à tout moment de chuter dans l’anachronisme le plus exaspérant (Les Grâces semble d’un autre siècle), ce serait faire peu de cas de la profonde gravité qui entoure chaque récit (« La chair est triste… »). Le culte de « bien écrire » comme on fut « bien né » peut dresser la carte du Tendre d’une certaine aristocratie des lettres mais il peut également, suprême politesse, n’être que le masque fin et délicat d’une atroce souffrance.
P.O.L.
175 pages, 95 FF
Domaine français Coeur blanc
février 1994 | Le Matricule des Anges n°7
Un livre
Coeur blanc
Le Matricule des Anges n°7
, février 1994.