Durant une quinzaine d’années, plusieurs mois par an, parfois de l’aube au soir, quelqu’un s’efforça de tenir la chronique d’un littoral ». Ce « quelqu’un » c’est François Solesmes qui dès la première page apparaît ainsi, vague troisième personne du singulier, s’effaçant déjà pour éviter l’autobiographie, s’effaçant encore pour ne laisser sur les pages que cette mer dont la rencontre, chaque fois, est précédée de l’excitation propre aux amoureux. « Il marchait à sa rencontre et, déjà, elle était là, il vivait avec elle, (…). Entravé par ses membres et la distance à franchir, son impatience venait du conflit que la rumeur introduisait en lui : il était déjà au rendez-vous (…) ;il allait comme d’instinct la bête assoiffée descend à la rive. A la rencontre d’un visage dont il savait par la rumeur qu’inépuisable, irréductible, il était la soif même ».
L’excitation laisse parfois la place à cette étrange sérénité ou la lumière pure de la plage et la rumeur de l’océan aspirent le corps de l’homme allongé presqu’enfoui dans le sable. La conscience en repos, hypnotisée par le « languide désir de durer », l’esprit peut alors se dissoudre dans l’éther chaud du littoral. Il ne reste plus rien que la mer, cette mer d’éternité que François Solesmes ne cesse de nous dévoiler, cherchant dans la langue le moyen de dire l’indicible. Saisir l’océan dans son mouvement c’est répéter par l’écriture le mythe de Sisyphe. Sans cesse François Solesmes revient sur ses phrases, il les redéplie, les renouvelle, les réinvente, il les étire, il les nourrit de métaphores pour dire la folie, la violence, pour dire l’émotion, le bonheur, pour dire les couleurs, les odeurs et les bruits. L’écriture se substitue au monde qu’elle finit par imiter, elle en donne l’essence et la saveur, sans fiction et sans artifice, par envoûtement.
A ce bonheur que l’on doit à l’auteur, il faut ajouter la réussite éditoriale de Jacques Neyme, l’éditeur. Lecteur attentif de François Solesmes lorsqu’il publiait Les Hanches étroites. chez Gallimard, Célébration de la Mer (déjà) chez Robert Morel ou le premier volume de la Poétique de la Femme dont on attend la suite chez Phébus, Jacques Neyme a créé sa maison d’édition, Encre Marine il y a moins d’un an. Sur papier Rives filigrané, non découpé, D’un Rivage, est son troisième titre composé avec une encre spéciale d’un bleu marin qui donne le nom à la maison d’édition C’est dire qu’au plaisir du texte s’ajoute la sensualité d’une lecture que l’on renouvellera chaque fois que la mer, par le biais de nos désirs, nous donnera rendez-vous.
D’un rivage
François Solesmes
Encre marine éditions
Jacques Neyme
Fougères 42 220 La versanne
Tel (16) 77 39 62 63
Domaine français Rumeur marine
novembre 1992 | Le Matricule des Anges n°1
| par
Thierry Guichard
Pendant quinze ans, François Solesmes est allé saisir le mystère océan sur une plage des Landes. Il nous livre aujourd’hui la chronique de ses rencontres avec une mer fascinante.
Un livre
Rumeur marine
Par
Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°1
, novembre 1992.