La rédaction Thierry Guichard
Articles
Une histoire française
Le premier roman de Lolita Sene, un été chez jida, renoue avec ses racines kabyles, une Histoire douloureuse et l’indicible violence faite à une enfant. L’écriture comme un baume.
Elle est aujourd’hui vigneronne, produit des vins subtils et joyeux auxquels elle donne parfois un nom venu de l’enfance comme à son cinsault de soif, Couscous. Et peut-être a-t-elle appris en soignant avec de la valériane les vignes blessées par la grêle, qu’on peut appliquer sur les blessures de quoi cicatriser les plaies et renforcer les corps. Un été chez Jida est un roman qui soigne, où les mots viennent de loin, sont posés sur la page avec une précaution qui les rend plus prégnants. Roman parcellaire, fait de chapitres courts qui sont comme des pièces d’un puzzle difficile à...
Chronique du cirque dans le désert
Sa mère, un matin, tua son père d’un coup de carabine. Ensuite elle alla dans le jardin cueillir des poires, en chantonnant.« Les vingt-cinq nouvelles qui composent ce recueil sont à l’image de la chute de Un Crime : étonnantes, légères et décalées. Nous sommes loin du style baroque du seul roman de Xavier Bazot -Tableau de la passion (P.O.L, 1990)- qui préfère ici une prose simple, humble...
Le tempo contre le temps
Purifi l ’air des montagnes, le nouveau roman de Christian Gally, Be Bop prend la mesure du temps qui passe. Sans pathos et avec une grâce divine.
Qu’est-ce qui t’est arrivé ? dit Fernand.Je me suis coupé, dit Lorettu, s’attendant à ce que Fernand lui demande en quoi faisant. Ça n’a pas loupé.En quoi faisant ? dit Fernand, s’attendant à ce que Lorettu lui réponde en me rasant. Ça n’a pas loupé.En me rasant, dit Lorettu. » On pouvait se demander où Christian Gailly allait pêcher ce genre de répliques qui depuis Dit-il (1987) sont la...
Un livre
Le Prince de la fourchette
de
Olivier Bleys
Exercice de style
Olivier Bleys n’a pas l’âge de son écriture : cet auteur de vingt-cinq ans s’est amusé (la jubilation pointe à travers certaines phrases) à imiter les grands anciens, ceux que l’Éducation nationale impose à notre fréquentation. On trouve, entre autres, beaucoup de Rabelais, une pincée de Villon, un quintal de Voltaire et une légère dose de Marivaux dans cette cuisine où le fumet importe plus...
Un livre
Le Bleu du temps
de
Hubert Haddad
Les accros d’Haddad
Le Bleu du temps explore l’antichambre dans laquelle tout réateur reçoit ses pulsions. Au risque d’enfermer lelecteur sous la surface des choses.
Il est des romans qui font penser à des mines, ces bombes qui n’attendent qu’une imprudence pour exploser. Le Bleu du temps d’Hubert Haddad est de ceux-là. La mécanique sur laquelle il repose multiplie les aiguillages, les circuits dérivés. A priori, cette histoire de peintre retiré dans un Londres brumeux, désireux de fuir un passé glorieux aurait de quoi, simplement, séduire. Mais Hubert...
Médiatocs – chronique
Pare-chocs du moi
Écrite précipitamment dans l’absence de style, l’autobiographie de l’ancienne directrice du Monde des livres atteint à des abysses de pensée. Du moment que ça la soulage….
Elle était la directrice du Monde des livres jusqu’au jour (« un matin de janvier 2005 ») où on lui annonce qu’elle est démise de cette fonction pour redevenir une simple journaliste. Josyane Savigneau vit d’autant plus mal sa mise au placard (qui la vivrait bien ?) que celle-ci la renvoie à un complexe d’imposture qui l’habite depuis toujours et qu’elle va tenter de résoudre en écrivant ce Point de côté. On espérait une réflexion sur le métier de journaliste, une description des rouages de la critique parisienne ou au moins une véritable plongée dans les mécanismes intimes, inconscients...
Un âne, des mots
Claire Castillon a probablement un vrai talent d’écrivain. Mais ses lecteurs ont assurément beaucoup de patience. Son nouvel opus, indigeste en diable, impose une lecture éprouvante.
Cette rubrique, consacrée aux très médiatiques romanciers allait tranquillement vers la proclamation d’un axiome incontestable. Quelque chose comme : un best-seller se fabrique. Dès sa conception jusqu’à son écriture, un best-seller imite plutôt la pente douce (qu’on dévale sans y prendre garde) que la montée abrupte qui nécessite effort et courage. Les ingrédients du best-seller se trouvent...
“ Les mecs, on la perd ! “
Quels ingrédients faut-il pour faire un best-seller ? Une louche de clichés alignés par un style de collégien attardé et assez de cynisme pour prendre ses lecteurs pour des gogos.
Prenez une pincée de Paulo Coelho, le romancier philosophe pour ménopausés du cerveau, dont vous extrairez des préceptes profonds du genre : « accepte le destin qui est le tien et donne aux autres le meilleur de ton temps ». Cette morale à deux sous qu’adorent tous les apôtres de la domination (que les miséreux acceptent leur misère et ne viennent pas nous emmerder) nous est assénée par...
Courrier du lecteur – chronique
La preuve par huit
Publié il y a treize ans aux États-Unis, « Surfiction » est un essai réjouissant. Clair et incitatif, il donne les bases d’une réflexion en mouvement.
Constitué de huit textes vifs, Surfiction traverse une bonne partie de la littérature de création (« le roman expérimental ») des années 60 à aujourd’hui plus particulièrement aux U.S.A. Raymond Federman sait de quoi il parle, puisqu’il fut un des premiers de sa génération avec Quitte ou double (1971) à révolutionner le roman (dans la lignée de Cervantès, Sterne ou Joyce). Le bonhomme n’hésite d’ailleurs pas à se citer lui-même…
Le texte inaugural est un « manifeste postmoderne » : écrit en 1973, ce texte programmatique n’a pas pris une ride, si ce n’est, peut-être, dans l’utopique part...