La rédaction Jérôme Delclos
Articles
Une marque allemande
De sa dérive urbaine sur fond de prostitution, Emmy Hennings (1885-1948) tire une brûlante quête de soi. Rude et mystique.
Au XVIe siècle sur le parvis d’une église espagnole, la prieure Thérèse d’Avila fit scandale en haranguant ses Sœurs aux mots de « Nous sommes les putains du Christ ! ». Elle avait fugué du foyer familial à 7 ans dans l’idée très romanesque de « se faire décapiter par les Maures », une seconde fois à 18 pour rejoindre un carmel mondain et peu cloîtré. Prostituée dans la Prusse de 1911, la jeune Emmy, pionnière du dadaïsme, elle aussi fugueuse à 18 ans mais pour suivre une troupe de théâtre ambulant, est une semblable rebelle. Et le début de son « Tagebuch » – un journal – attaque fort lui...
Un auteur
Courroies de transmission
Traducteur de Walter Benjamin, Philippe Ivernel (1933-2016) aura été dès les années 1960 son premier exégète et grand passeur en France. Lectures croisées, de part en part des pistes ouvertes par ce livre posthume, avec son éditeur Florent Perrier.
C’est un livre inattendu d’avoir été attendu si longtemps. Irving Wohlfarth le rappelle dans sa postface : Ivernel eût été le premier grand introducteur en France du penseur allemand si Mai 1968 n’avait brouillé le chercheur avec la Sorbonne. D’où une thèse interrompue, et le repli sur le Centre universitaire expérimental de Vincennes pour Ivernel qui déjà s’était distingué, dix ans plus tôt,...
Un auteur
Un flambeur dans l’incendie
Casse-tête – arme ou jeu – livré en pièces aux « enfants politiques du siècle », l’œuvre-vie de Walter Benjamin (1892-1940) se risque à qui perd gagne. Et chacun de ses coups parie contre « le fait que les choses « continuent à aller ainsi » qui est la catastrophe ».
Juillet 1925. L’université de Francfort a refusé d’accepter comme thèse d’habilitation son Origine du drame baroque allemand, et Walter Benjamin ne décolère pas. « Depuis trop longtemps déjà, on attend la gifle qui doit résonner à travers les galeries de la science. Alors se réveillera aussi cette pauvre vérité qui s’est piquée à la quenouille démodée lorsque, entrant sans permission dans la...
Atterrante conquête
Günther Anders nous dessille les yeux sur les vols spatiaux, leur rôle dans la course à l’obsolescence de l’homme et de la terre.
Fidèle à sa « philosophie de l’occasion », qui part des faits empiriques que nous recevons au quotidien dans leur évidence trompeuse, Günther Anders note dès 1962 ses réflexions sur les vols spatiaux. Il en sortira un livre, Vue de la Lune, édité au début de 1970 – quelques mois après Apollo 11 et le fameux « Un petit pas pour l’homme, un grand pas pour l’humanité » et quelques semaines...
La main du mort écrit
Exhumé par François Bon, le carnet de notes de Lovecraft (1890-1937) tenu de 1919 à 1934 : 220 frissons dans la nuit.
Dans une lettre datée de 1920, Lovecraft déclare tenir depuis peu un « commonplace book », « a repositary of gruesome and fantastick thoughts » – « un registre de pensées horribles ou fantastiques » traduit François Bon, qui a établi le texte en 2015 à la John Hay Library de Providence où il est conservé. L’écrivain français note que le mot repositary désigne « l’entrepôt, le dépôt, en tout...