auteur Jean Echenoz
A propos
L'Echenoz de la vie
Styliste impeccable, le romancier a débuté par ce qui pouvait apparaître comme de simples palimpsestes de la littérature de genre. Douze livres plus tard, il marie avec autant d’invention art de l’ellipse et loufoquerie, anti-psychologisme et mouvements narratifs issus du cinéma.
Les débuts d’année ressemblent bien à ceux qui les ont précédés, froids et gris partout sur la capitale, et ces mercredis 11 qui ne font guère varier les choses, à revenir aussi sur eux-mêmes. Nous voilà sortis du métro, station Jourdain, à la nuit tombante, sous la pluie battante. Numéro impair, sonnettes cuivrées à tous les étages, 3e et ultime : l’étroite cage d’escalier de bois foncé, craquante et frottée comme il se doit à l’encaustique, vous aura vite enroulé. Dring, petit coup de pied frotté sur un paillasson rectangulaire brun sur fond crème, bonjour, comment allez-vous ?…...
La dernière Gauloises de Maurice
Sur la plage de Saint-Jean-de-Luz, en 1923, on voit Maurice Ravel en compagnie du pianiste Ricardo Vines et d’Hélène Jourdan-Morhange, amie et interprète fidèle. Lui, un cran plus bas sur la photo, est droit comme un i, sa main droite tient une Gauloises. On voit ses chaussettes, puisqu’il aura remonté de 3 cm son pantalon pour éviter à ses revers de se remplir de sable. Motif type écossais,...
L’éducation des regards
Travail constant sur les focales, les livres de Jean Echenoz ont cette façon particulière de s’approcher du monde, du flou au gros plan. Visuels, mais aussi véritables bandes-sons, alertes, ses romans allient férocement légèreté et dérive existentielle.
On pourrait penser l’homme rompu à l’exercice de l’entretien, devenu, avec les années, routinier. Or, non, visiblement, on supporte la chose de bonne grâce mais presque timidement. Voix grave et profonde, douce en un sens, sans grandiloquence, mais toujours affirmée, même lorsqu’il s’agira d’esquiver une question en y répondant à côté.
Jean Echenoz, vous publiez un livre consacré aux dix...
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Ouvrages chroniqués
14
de
Jean Echenoz
2012
Comme si de rien n’était et comme personne, Jean Echenoz raconte la grande guerre.
Cinq hommes sont partis à la guerre, une femme attend le retour de deux d’entre eux. Reste à savoir s’ils vont revenir. Quand. Et dans quel état. » Le rythme brisé de cette quatrième de couverture avertit que nonobstant son grrrrand sujet, Echenoz ne va pas emprunter les orgues du roman historique. On retrouve d’ailleurs les marques usitées du romancier : par exemple pour la forme le savant tricotage des temps (nul aoriste, mais de très riches passés composés qui s’acoquinent au subjonctif imparfait) et l’espiègle jeu des discours rapportés (quand ceux-ci viennent tout à coup, phrases...
Des éclairs
de
Jean Echenoz
2010
Jean Echenoz clôt avec Des éclairs son triptyque biographique commencé avec Ravel puis Courir. C’est à la figure de l’inventeur Nikola Tesla que le roman cette fois s’attache. Prénommé ici Gregor, on le suit depuis sa naissance très romanesque, jusqu’à sa mort qui l’est tout autant. Reste qu’on le suit d’un peu loin, dans cette distanciation presque dilettante qu’impose l’auteur. Adepte d’une sorte de ligne claire du récit, Jean Echenoz livre un roman, agréable certes, mais si lisse qu’il semble n’être qu’un long prologue à une histoire qui ne vient pas. Séduit par la légèreté de la...
Vie de Gérard Fulmard
de
Jean Echenoz
2019
Un type paumé est embarqué dans une machination politique qui lui échappe. Jean Echenoz a l’art de construire des intrigues aussi alambiquées que réjouissantes.
J’en étais là de mes réflexions quand la catastrophe s’est produite » : ça commence un peu n’importe où, en plein milieu dirait-on, à mi-chemin du climax et de la grisaille quotidienne. C’est l’histoire d’un type sans éclat dont le nom rime – « presque le nom d’un oiseau marin », s’enorgueillit-il – et dont l’existence rime aussi, avec déboires, avec malentendus, avec embrouilles. Car c’est bien là ce qui semble animer cette Vie de Gérard Fulmard le bien nommé, un homme discret dont la « carrière n’a pas assez retenu l’attention du public » : un certain goût – malgré lui, peut-être – pour...
Envoyée spéciale
de
Jean Echenoz
2016
L’écrivain reprend ses fondamentaux et une grande forme : récit d’aventure, roman d’amour, soap opéra, cinéma d’espionnage, de la diagonale du vide français(e) à la Corée du Nord ; tout cela, entre autres, est miniaturisé dans Envoyée spéciale.
Lire Echenoz, c’est souvent faire un pas de côté. Côté face, il y a le genre, voyant, polar, d’Envoyée spéciale et ses accessoires à gogo (voitures, pistolets, petits doigts) ; côté pile, il y a des poèmes saugrenus (une cache dans une éolienne tournant à l’envers, un merle minimaliste, les variations de la voix du métro). On croit tomber dans OSS 117 manière éditions de Minuit et on dérive dans une lente suite d’aquarelles – entre la réjouissance et les mélancolies. Et c’est sans fond. Ce vertige tranquille est l’élégance d’un grand auteur ; il dit le désir de roman, aussi : un élan et...
Courir
de
Jean Echenoz
2008
Courir a deux syllabes, comme Émile, le héros de Jean Echenoz qui traverse ces 146 pages comme un dératé, deux jambes. Si on peut, à la fin de cette romance, presque en douter, c’est qu’Emil Zatopek (né en 1922 en Moravie) rayonnera sur les pistes de demi-fond et de fond de 1948 à 1954, avalant médailles olympiques et titres de champion du monde, sans broncher. Un phénomène propre à ce que savent produire les républiques socialistes, diront les autorités tchécoslovaques fièrement, au moment même où on interdira à l’athlète d’aller fouler les pistes de cendre des régimes capitalistes....