Le Non de Klara
Prix Goncourt 2002 du premier roman, Le Non de Klara de Soazig Aaron (née en 1949) présente le journal qu’Angelika a tenu du 29 juillet 1945, date à laquelle sa belle-sœur et amie Klara est revenue d’Auschwitz, au 13 septembre de la même année, après son départ pour les États-Unis.
Angelika a beau accueillir son amie chez elle, les retrouvailles entre les deux femmes sont compliquées, la narratrice comprenant très vite qu’après les 29 mois qu’elle a passés à Auschwitz Klara « n’est plus Klara ». Elle refuse de manière catégorique de revoir sa fille Victoire, qu’Angelika et son mari ont élevée durant son absence, préférant qu’on lui dise qu’elle est morte plutôt que de lui infliger une mère mortifère.
Mais peu à peu la parole revient et Klara évoque ce qu’elle a vécu dans cette « planète chauve » où seules les femmes nazies avaient des cheveux. Le résumé qu’elle fait de son séjour est sans appel : « Cela a été une boucherie, rien de plus ».
Après la libération du camp, Klara est retournée en Allemagne, le pays où elle est née. Elle en a ramené une image qui incarnait alors la paix : « une prairie et du linge qui sèche tranquillement entre deux arbres d’un verger dans le calme d’une après-midi d’été ».
Dans un texte qui tient lieu de postface, l’auteure répond aux questions que lui pose Maurice Nadeau. On y apprend que Klara est un personnage de fiction, et que son journal n’a d’existence que littéraire. À la sortie du roman, Jorge Semprun avait accueilli la nouvelle avec enthousiasme : « Le récit de Soazig Aaron (…) n’est pas un témoignage, c’est une fiction. C’est là que se situe le miracle ». Reste qu’on se sent comme trahi, après avoir eu tant de raisons d’y croire, en découvrant qu’il ne s’agit pas d’une confession authentique. Quoi qu’il en soit, avec les récits de Klara « nous apprenons que tout est possible, y compris de nous-mêmes ». La véritable horreur, finalement, c’est peut-être cela.
Didier Garcia
Le Non de klara
Soazig Aaron
Maurice Nadeau poche, 208 pages, 9,90 €