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Essais À crédit et en stéréo

avril 2022 | Le Matricule des Anges n°232 | par Jérôme Delclos

Dans la catégorie des livres où l’on ne comprend pas tout, un bel essai sur Sade et Fourier.

Payer le mal à tempérament (sur Sade & Fourier)

Le rayon « Philosophie » se divise en deux : les livres où l’on comprend tout mais qui ne pensent rien ou si peu, et ceux où l’on ne comprend pas tout, mais qui nous donnent à penser qu’il nous faudrait poursuivre. Payer le mal à tempérament, de Simone Debout (1919-2020), appartient à la seconde catégorie. L’éditeur qui réédite ce texte paru en 1981 dans la revue de psychanalyse Topique semble avoir anticipé notre découragement. On trouve, qui précède dans le colophon l’achevé d’imprimer, cette indication, insolite à cet endroit : « Payer le mal à tempérament (…) donne à entendre la dette de Fourier à Sade et a été achevé d’imprimer (…) », etc. Du coup, on s’obstine, étonné de lire dans la quatrième de couverture : « Contrairement à Sade, Fourier ne retourne pas le désir lui-même, il multiplie les écarts. Il ne cherche pas à détruire les illusions, il veut – déjà – les réaliser ». En appui sur ces deux minuscules béquilles, on avance : c’est donc le « & » du sous-titre « sur Sade & Fourier », et le sens de la « dette » du second au premier, qui concentre l’affaire du livre, en somme un gros nœud.
Dans la présentation d’Emmanuel Loi, on trébuche sur une parenthèse, puis une lacanerie, quant aux « profiteurs de la domination ». Le mieux est encore de filer au début de Debout : « En affrontant son adversaire de choix, Fourier opère un déplacement ». Si, pour les deux, « l’imaginaire est garant de la réalité », Fourier et Sade ne le conçoivent et ne le revendiquent pas de la même façon. « Puissances opposées », certes toutes deux violemment passionnelles, et qui rêvent l’une et l’autre d’instaurer un nouvel ordre, mais en des sens divergents. À Sade, il revient le mérite, incendiaire, d’avoir assumé le mal radical, dans son œuvre et sa vie : « Il prouve par là même que le mal ne dépend pas des seules circonstances, de l’histoire, d’une société, d’une classe ou d’un individu. Lové au cœur de chacun en tant que possible, il est irréductible ; il ne peut être supprimé de l’extérieur ni extirpé à jamais de l’intérieur  ». Mais la « société du vice » à laquelle il appelle, et avec elle sa liberté, « ne concerne qu’une élite  », celle des amis du crime qui consentent au principe suivant, dont Debout montre la logique et les conséquences dans de très belles pages : « Parmi toutes les lois de la nature la plus juste, la plus sacrée, l’égoïsme du plaisir ». L’une des conséquences de ce principe, montre-t-elle, est de fournir à Sade un puissant décapant de toutes les illusions des philosophies du contrat social, comme on le voit dans son pamphlet Français, encore un effort si vous voulez être républicains : « Quel scandale, de plier des individus différents à une loi générale ». Mais sa faiblesse, en faisant de cette « antisociété » le modèle de toute société, est, au pire, de la voir s’autodétruire, et, au mieux si l’on peut dire, qu’elle ne fasse que perpétuer la domination des puissants qu’elle semblait ébranler.
Selon Debout, Fourier, lui, ayant « traversé Sade », « ouvre sur d’autres chemins » : certes il en retient « l’énergie passionnelle, unique source de résistance (ou de plaisirs), et même en dernier recours l’audace du désespoir ». Mais, et d’où la divergence, « pas du tout incapable de penser la violence, (…) il vise aussi résolument à en sortir que Sade à s’y enfoncer, à l’aggraver ». Comment ? Ici, Simone Debout développe des analyses complexes, où elle oppose le caractère unidirectionnel et fatal de la loi sadienne à la multiplicité des affects chez Fourier, toujours singuliers, au sommet desquels l’amour : multiplicité, et donc caractère aléatoire, qui fondent, outre la considération d’autrui (incompatible avec le solipsisme de Sade), la possibilité infinie d’un renouveau, seule garantie de l’espérance que porte l’utopie.
En somme, un livre à relire, pour mieux comprendre en quoi la dette de Fourier et sa rupture d’avec Sade marchent ensemble. Notons que Simone Debout a été l’élève de Merleau-Ponty qui, dans son Éloge de la philosophie, déclarait que « La claudication du philosophe est sa vertu ».

Jérôme Delclos

Payer le mal à tempérament (sur Sade & Fourier)
Simone Debout
Quiero, 94 pages, 20

À crédit et en stéréo Par Jérôme Delclos
Le Matricule des Anges n°232 , avril 2022.
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