Un livre

Poétique du Chat Noir (1882-1897)

de Collectif

Editions Presses Universitaires de Paris Ouest

L’université s’empare du rire. Après Bergson, qui n’a jamais manifesté de propension à user du cotillon, les joyeux exploitants de la marque Paris-sur-Rire regroupés autour de Rodolphe Salis et de son célèbre Chat noir (journal et débit de boissons spectaculaire) font sujet d’études depuis longtemps. Le Chat noir, né à Montmartre en 1881, produisit durant quinze ans 690 livraisons de son journal, un monceau de blagues et de chansons, permettant accessoirement de faire ingurgiter quelques millions d’hectolitres d’alcools variés à une clientèle bigarrée. L’épisode héroïcomique a été disséqué lors d’un colloque de 2018 : lieu, réseau de sociabilité, esthétique et jusqu’à son éthos médiatique… Grâce à la Sorbonne on voit le fond du verre. Ne manque plus qu’une « Économie du Chat noir » qui permettrait d’établir un business-plan pour relancer le rigolo débit. De ce point de vue, l’économie n’a pas inspiré non plus les auteurs de L’Empire du rire, une encyclopédie théorique, complémentaire des Farces et Attrapes des praticiens Arnaud et Caradec (1964), où l’on apprend cependant tout ce qu’il faut savoir sur ce réflexe physique caractérisé par son enchaînement de petites expirations accompagnées de vocalisations parfois bestiales. Burlesque, rire de contestation, rire radiophonique, satire, pastiche, grosses rigolades, au pays de l’Almanach lancé par Joseph Vermot en 1886, il manquait aux drilles un outil complet ou presque (manquent à l’index Henri Roorda et Slavoj Žiżek) pour faire le tour de cette panacée. Fini de rire, il faut lire.


Éric Dussert

Poétique du Chat noir
sld de C. Crépiat, D. Saint-Amand et J. Schuh
PU de Paris-Nanterre, 424 p., 24,50 €

L’Empire du rire, XIX^e-XXI^e siècle
sld de M. Letourneux et A. Vaillant
Presses du CNRS, 1000 pages, 32 €