Une découverte pour nous, ce Bruno Arcadias. À 60 ans, cet inconnu au bataillon poétique appartient, faut-il croire, à cette armée des ombres qui sévissent dans le registre d’une inspiration sans flonflon ni prétention mais pas sans charme. Ses antécédents ? Un peu avant que ne paraisse ce Journal irrégulier réunissant des poèmes de ces douze dernières années (le plus ancien de 2007), il y a eu Les À-coups, décrit par son éditeur d’alors, Alfabarre, comme « un recueil de poèmes évoquant l’amour, la vie quotidienne ou encore l’enfance. » On est donc un peu, ici, dans la même veine. La quotidienneté surtout y a ses quartiers métaphysiques, moins peut-être à la façon d’un Michaux ou d’un Prévert, comme le suggère la présentation, qu’à la manière d’un Pirotte ou, mieux, d’un Perros. Et par moments, celui qui assure « écrire parce que/ faire de la musique, c’est trop compliqué », nous ferait presque penser, aussi, à ce compositeur de zizique grinçante que fut Boris Vian. Les entrées en matière d’Arcadias laissent deviner la capricieuse tonalité existentielle de ses poèmes : « L’échec, on sait ce que c’est », « Les hommes ne sont pas très sûrs », « Tout ce que je sais du bonheur »… Le bonhomme revendique, par atavisme maternel semble-t-il, un certain fétichisme pour la vaisselle, le don de l’embrouille et, rien à voir, celui de la clairvoyance ; toutes choses qui ne lui ont cependant jamais permis de rencontrer Isabelle Adjani, son égérie secrète… Si Arcadias voit plutôt l’existence en noir et blanc, comme les illustrations de Léa Bertin-Hugault, cela n’empêche pas de furtifs arcs-en-ciel. Comme souvent les hommes bancals, l’intéressé avance sur le fil de la vie en funambule à l’équilibre précaire : « Tous les jours, j’essaie./Et tous les jours, je manque./Dieu m’a donné la ténacité, pas le talent./J’aurais préféré le contraire./ Mais on ne peut pas tout avoir. », peut-on lire dans un final par lequel l’auteur sort de scène sur la pointe des pieds. Pas de talent, pas de talent, c’est vite dit : l’art de faire (sou)rire pour ne pas faire pleurer, c’est déjà beaucoup.
Anthony Dufraisse
Journal irrégulier
Bruno Arcadias
Éditions Conférence, 121 pages, 17 €
Poésie Journal irrégulier, de Bruno Arcadias
janvier 2021 | Le Matricule des Anges n°219
| par
Anthony Dufraisse
Un livre
Journal irrégulier, de Bruno Arcadias
Par
Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°219
, janvier 2021.