L’annonce par deux ministres fin novembre de la création prochaine d’un délit d’écocide en France pourrait passer pour une promesse qui, dit-on, n’engage que ceux qui y croient. Elle est a minima la preuve qu’une pression populaire autant que scientifique a su s’exercer sur le pouvoir. Malgré les climato-sceptiques, malgré les lobbies des grands groupes pollueurs, attenter à la nature pourrait entraîner une condamnation. On a hâte de voir comment des sanctions seront réellement appliquées et loin de sabrer le champagne (nature) pour fêter l’événement, les écologistes ont beau jeu d’agiter le retour des néonicotinoïdes tueurs d’abeilles, parmi les produits autorisés pour la culture de la betterave. Avec son projet de délit d’écocide, Barbara Pompili, notre ministre de la transition écologique ne risque-t-elle pas d’envoyer un jour devant les tribunaux la Pompili Barbara qui a approuvé l’emploi de ces néonicotinoïdes ?
Cette valse-hésitation gouvernementale (un pas en avant, deux pas en arrière) ne surprend plus personne : Emmanuel Macron n’a-t-il pas créé la Convention Citoyenne pour le Climat « en même temps » qu’il défendait la 5G contre le « modèle amish » qui préfère « le retour de la lampe à huile ». Cette façon d’envisager une politique environnementale fait immanquablement penser au roman de Pierre Ducrozet paru à la rentrée dernière : dans Le Grand Vertige (Actes Sud) de nombreux États, conscients de l’urgence climatique, ont mis en place vers 2016 une organisation mondiale pour sauver la planète (vraie fiction). En vain : les consortiums n’entendent pas sacrifier leurs rentabilités sur l’autel de la nature et il faudra à Adam Thobias, (double fictionnel de Bruno Latour ?), envisager une autre forme d’action…
Ce paradoxe qui consiste à savoir qu’on court à la catastrophe et qu’on décide d’y courir plus vite ne s’applique pas seulement aux politiques ou aux grands capitaines d’industrie. Il n’y a qu’à voir la file des voitures aux drive-in des fast-foods pour comprendre que le « monde d’après » aura la méchante gueule du monde d’avant. La catastrophe écologique a beau être devant nous, sa conceptualisation, sa représentation, n’est toujours pas entrée en nous. Et c’est peut-être là que la littérature aurait un rôle à jouer. C’est du moins ce que pense Pierre Schoentjes qui publie un volumineux essai : Littérature et écologie : Le Mur des abeilles (éditions Corti). Deuxième ouvrage que l’universitaire consacre à cette littérature environnementale qu’il traque dans la production romanesque actuelle. Un essai qui vient donc presque un an après celui que Jean-Claude Pinson a consacré à l’écopoétique : Pastoral, de la poésie comme écologie (Champ Vallon). Une concomitance qui montre l’émergence, timide cependant, d’une littérature de l’anthropocène, cette ère où l’influence de l’être humain sur la planète est devenue une force géologique. Un autre essai est annoncé pour ce mois-ci aux éditions universitaires Droz : Émergence...
Dossier
Littérature et écologie
L’injonction planétaire
janvier 2021 | Le Matricule des Anges n°219
| par
Thierry Guichard
Trois essais en un mois viennent interroger la fabrique d’une littérature environnementale dont le volumineux livre de Pierre Schoentjes. Pour souligner l’urgence d’une littérature verte.
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