Paul Nizan, dans l'éclat du combat
Anne Mathieu est maîtresse de conférences habilitée à diriger des recherches en littérature et journalisme du XXe siècle à l’Université de Lorraine. Elle est également directrice de la revue ADEN. Paul Nizan et les années 30 et une collaboratrice régulière du Monde diplomatique. D’abord spécialiste de Paul Nizan et de Jean-Paul Sartre journalistes et polémistes, Anne Mathieu est ensuite devenue spécialiste de Magdeleine Paz et de Simone Téry journalistes ainsi que de quelque deux cents intellectuels-journalistes pendant la guerre d’Espagne. Cette dernière recherche a donné lieu à un site internet (http://reporters-et-cie.guerredespagne.fr) et à un ouvrage, qui sera publié en novembre 2020 aux éditions Syllepse. Elle éclaire pour nous les combats de Paul Nizan, et ses armes.
Lorsque nous avons découvert le roman inédit Essais à la première personne, nous avons pu être surpris : nous pensons à Jean Giraudoux, à Paul Morand… Pouvez-vous préciser dans quel paysage littéraire écrit alors Nizan ?
Nizan possède une culture littéraire classique : il est passé par Henri-IV, Louis-Le-Grand, l’École normale supérieure. D’ailleurs, des figures liées à ces divers lieux sont conviées dans Essais à la troisième personne : Alain, Jean-Richard Bloch, Lucien Herr, Romain Rolland. Lucien Herr, le bibliothécaire de l’ENS, a été très important pour sa formation intellectuelle. Dans Essais à la troisième personne sont aussi conviés des auteurs sur lesquels le critique en herbe s’est exercé (Jean Giraudoux, Marcel Proust). Bref : les références littéraires de Nizan sont très nombreuses, et je crois me souvenir que la biographie de Pascal Ory (1980) en fait un état précis, à la suite de l’ouvrage maintenant bien ancien de Jacqueline Leiner (1970). Et les paragraphes rédigés par mon collègue François Ouellet dans notre préface aux Essais indiquent comment il s’inscrit dans le roman de l’époque.
On lit déjà dans ces Essais de belles évocations de Paris et l’on retrouvera de telles pages dans La Conspiration. Nizan était-il un promeneur attentif, un observateur en mouvement, désireux, comme il l’écrit de « palpe(r) la peau de la ville » ?
Il y a aussi des évocations de Tours, de Nantes dans Antoine Bloyé et La Conspiration… Les pages sur « La ville » dans Le Cheval de Troie comme son texte fictionnel « Présentation d’une ville » paru en 1934 qui préfigure ce roman montrent en effet une préoccupation envers la ville. Mais à chaque fois, elle s’inscrit dans la population qui y vit, dans les rapports de force qui s’y jouent. Je pense que la perception de la ville de Nizan est éminemment politique. Même si cela n’oblitère pas le plaisir de s’y balader, ce que décrit fort bien Essais à la troisième personne, cette force des balades dans Paris entre jeunes hommes, inspirée de celles avec Sartre lors de leurs études.
Cette thématique de la ville chez Nizan peut aussi être mise en regard de celle de la nature. Celle-ci interroge...